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Le Monde
Les matières premières, « dernier bastion du capitalisme sauvage »
Article mis en ligne le 2 avril 2022

Si l’actuelle envolée des cours s’explique bien sûr par la guerre en Ukraine, elle reflète aussi la financiarisation croissante et la complète dérégulation de ces marchés, commencée il y a quarante ans. Avec en leur cœur des entreprises de courtage aussi puissantes qu’opaques.

Le prix du pétrole multiplié par quatre en deux ans, celui du gaz par dix sur la même période, le blé par deux et demi… Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, les prix des matières premières flambent à une vitesse record et le monde se découvre une nouvelle fois à la merci de leurs vastes oscillations. Le choc se ressent partout, à commencer par les factures d’électricité et de gaz. La croissance mondiale devrait être réduite d’au moins un point, peut-être plus, et il est même question d’une récession pour 2023. (...)

Le commerce des matières premières, éminemment politique, n’a pas toujours fonctionné de cette façon. « Le plus incroyable dans cette affaire est la façon dont les gouvernements en ont perdu le contrôle en quarante ans », estime Javier Blas, coauteur d’un passionnant livre-enquête sur le sujet (The World for Sale, avec Jack Farchy, Penguin, non traduit). (...)

« En quarante ans, toutes les matières premières sont devenues des commodités qui s’échangent comme n’importe quel produit. » (...)

Les prix encadrés, qui étaient autrefois la norme, ont disparu. Cette dérégulation, accompagnée d’une intense financiarisation mais aussi d’une forte opacité, a laissé la place à un nouveau monde, dominé par une poignée de sociétés de négoce tout aussi méconnues que puissantes. Bienvenue dans « le dernier bastion du capitalisme sauvage [swashbuckling capitalism] », comme l’appelle M. Blas.
La grande financiarisation des matières premières

Le 20 avril 2020, alors que le monde vient de plonger dans la pandémie de Covid-19, un phénomène sans précédent stupéfait les tradeurs en pétrole. Au New York Mercantile Exchange, le prix du baril clôture à − 37,63 dollars (− 33,98 euros). Un prix négatif, du jamais-vu ! Sachant que chaque contrat qui s’échange comprend 1 000 barils, cela signifie que des vendeurs ont accepté, ce jour-là, de payer 37 630 dollars pour… se débarrasser de leur pétrole.

L’explication se trouve à la jonction de la spéculation financière et de la réalité physique de ce commerce. (...)