
Si le public prend conscience de l’importance vitale de ce qui se passe en matière de climat et de biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore reste plus ou moins mystérieuse. D’où l’importance du livre « Les apprentis sorciers de l’azote — La face cachée des engrais azotés », de Claude Aubert.
Éclaireur, et pas seulement en ce qui concerne l’agriculture : Claude Aubert a souligné, dès 2006, que l’allongement de l’espérance de vie n’était pas une loi inexorable du progrès. Dans Espérance de vie. La fin des illusions (Éd. Terre vivante), il montrait que la mauvaise alimentation, notamment, et le mode de vie dans les pays industrialisés, allaient logiquement réduire la durée de vie moyenne des humains des pays industrialisés. Ce constat se vérifie peu à peu.
La perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, un péril peu connu du grand public
C’est donc pour moi un honneur que Claude Aubert m’ait demandé de préfacer le nouveau livre important qu’il publie. J’y ai appris, ou ai eu confirmation, de mille choses dont j’avais une vague idée, mais qui n’avaient pas été réunies avec la rigueur et le talent de pédagogue dont il fait preuve. Dans son analyse fouillée du cycle de l’azote, il met à jour ce dont seuls les spécialistes sont avertis : la perturbation du cycle d’un des éléments fondamentaux de la vie constitue une des limites identifiées par Johan Rockstrom et son équipe de chercheurs suédois. Et si nous franchissons ces limites – il y en a neuf, dont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité et la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore —, la biosphère entrera dans un déséquilibre grave qu’il ne sera plus possible de compenser ensuite et aux désastreuses conséquences.
Comment l’humain a-t-il perturbé le cycle de l’azote et du phosphore ? Claude Aubert revient sur l’origine du problème (...)
les cent cinquante citoyens de la Convention citoyenne pour le climat souhaitaient mettre en place une redevance sur les engrais azotés. Ils y voyaient à juste titre un levier indispensable pour limiter la pollution dans le monde agricole — las, cette taxation ne figure pas dans le projet de loi de finance (PLF) 2021 révélé en septembre 2020. Pire, Reporterre dévoilait en décembre comment le gouvernement avait mobilisé son administration pour dézinguer cette mesure qui selon lui menaçait « la compétitivité de l’agriculture française ». (...)
« Pourquoi l’azote, aussi indispensable à la vie que l’oxygène, est-il devenu un poison ? » (...)
si le public prend peu à peu conscience de l’importance vitale de ce qui se passe en matière de climat et de biodiversité, les notions de phosphore et d’azote restent plus ou moins mystérieuses. D’où l’importance du présent livre, qui vient nous éclairer sur un des périls – eh oui, c’est hélas le mot – qui menacent la possibilité d’une société pacifique sur terre, vivant dans la dignité selon ses besoins.
Péril, mais aussi espoir et optimisme : même si le temps court incroyablement vite, il nous est possible d’inverser la course à l’abîme, notamment en transformant radicalement notre rapport à la biosphère dont l’agriculture est une composante essentielle. Et pour cela, il faut retrouver le cycle naturel de l’azote : derrière ces mots techniques se révèle un profond changement des pratiques et des modes de vie, comme l’explique si clairement Claude Aubert. (...)
Pourquoi avons-nous transformé, dans ce domaine comme dans d’autres, des processus bénéfiques en procédés toxiques ? Il nous faut retrouver la raison, et la raison c’est de toujours privilégier la vie, en l’observant en nous et autour de nous. C’est la démarche de Claude Aubert, et c’est une des plus roboratives qui soient en ces temps difficiles. Bonne lecture !