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Slate.fr
Les enfants et adolescents, grands oubliés des mesures de lutte contre le Covid-19
Laure Dasinieres, journaliste et Antoine Flahault, Directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève
Article mis en ligne le 29 juin 2021

Nous pâtissons grandement d’une idéologie obsolète considérant les plus jeunes comme des sous-citoyens qui ne peuvent pas jouir des mêmes stratégies de réduction des risques que les adultes.

Depuis le début de la pandémie, la question des enfants et des adolescents cristallise un grand nombre de débats et, il faut bien le reconnaître, de mauvaise foi et de mauvaise volonté. On aura vu à maintes reprises le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer se prendre les pieds dans le tapis des chiffres pour minimiser le risque de contagion dans les établissements scolaires. La société française de pédiatrie a, pour sa part, toujours sous-estimé la part des enfants dans la transmission du virus, en dépit de l’impact visible des vacances scolaires et des connaissances acquises précédemment sur la plupart des virus respiratoires. (...)

Il nous semble aujourd’hui légitime d’affirmer que nous avons assisté à une forme de conflit d’intérêts idéologique de la part de ces instances qui ont toujours eu la volonté louable de défendre l’éducation, et spécifiquement la scolarisation présentielle des enfants, ce qui les a menées à négliger la prévention au sein des écoles, collèges et lycées.

Si nous pensons bien sûr que sanctuariser l’éducation des enfants est nécessaire (c’est même un droit fondamental des enfants), nous avons la conviction qu’il ne faut en aucun cas perdre de vue la santé des enfants et de leurs proches. En effet, si les plus jeunes déclarent le plus souvent des formes bénignes de l’infection, qu’il y a eu peu d’hospitalisations et encore moins de décès, ils peuvent contaminer le personnel des écoles, leurs parents, leurs grands-parents et toute personne de leur entourage. Il y a aussi des enfants scolarisés souffrant de comorbidités les mettant dans la catégorie des personnes à risque de forme grave. Et, même s’il est crucial d’affiner cela par des études solides afin de définir des critères diagnostiques, le Covid long affecte également les enfants et les adolescents avec un impact qui pourrait s’avérer important sur leur qualité de vie et sur leur scolarité.

Plutôt que chercher à minimiser la transmission chez l’enfant, les pouvoirs publics, pour protéger la scolarité et l’éducation, devraient tout mettre en œuvre pour déployer sans délai toutes les mesures adaptées pour sécuriser vis-à-vis du Covid-19 les lieux d’accueil scolaires et périscolaires dès cet été. C’est d’autant plus important au vu du contexte : à mesure que la population adulte va se faire vacciner, les réservoirs de Covid se déplaceront vers les plus jeunes pas encore vaccinés. Par ailleurs, nous ne savons pas encore si les nouveaux variants sont plus agressifs, plus virulents chez les jeunes et les enfants. (...)

Nous devons ici rappeler les données sur le rapport bénéfices/risques du vaccin Pfizer, le seul autorisé pour les 12-17 ans en France :

  • Son efficacité est de 100% (75.3-100) contre le Covid-19, sept jours après la seconde dose (essai de phase III).
  • Aux États-Unis, plus de 4 millions d’enfants de 12-15 ans ont reçu une première dose.
  • La pharmacovigilance américaine met en avant des effets secondaires connus et attendus : douleur au point d’injection (60%), fatigue (30%), douleurs musculaires (20%), fièvre (10%) : rien de très surprenant et comme chez les adultes, ils semblent plus intenses à la seconde dose. Pareillement, ils cèdent souvent au paracétamol et ne durent qu’un à deux jours.
  • Pour les 12-15 ans : 5,7% (sur 2.540 enfants) ont présenté des événements indésirables sérieux, notamment la myocardite/péricardite (56-69 cas sur un million (0,006% chez les garçons de 12 à 17 ans) qui est une inflammation du muscle cardiaque/de la membrane recouvrant le cœur. Aucun décès n’est à déplorer. Notons que ce type d’inflammation peut toucher les adolescents malades d’un Covid-19 : à titre d’exemple, chez des athlètes étudiants, on a relevé 2,3% de péricardites après infection.

Au vu de ces données, et parce que le rapport bénéfices/risques est favorable au vaccin, il a été homologué par toutes les grandes agences internationales de sécurité sanitaire dans le monde. En outre, ce rapport ne prend pas en compte les bénéfices indirects individuels et collectifs de la vaccination. (...)

Reconnaissons que nous avons accepté la vaccination des enfants pour de nombreuses autres maladies sans qu’elle confère toujours un bénéfice individuel direct : par exemple, celle contre la poliomyélite ou contre l’hépatite B chez le nourrisson. Dans tous ces cas, même si le bénéfice individuel peut être considéré comme modeste, le bénéfice collectif est immense et démontré, et justifie pleinement les campagnes de vaccination universelle contre ces fléaux redoutables.

En quoi le Covid échapperait-il à ces stratégies de réduction des risques ? (...)

Il pourrait aussi être pertinent d’amener la vaccination dans des lieux fréquentés par les 12-17 ans durant la période estivale afin que tous ceux qui souhaitent se faire vacciner et ont l’autorisation de leurs parents puissent le faire facilement.

Bien évidemment, la vaccination n’est pas le seul levier à activer pour protéger les enfants et adolescents du Covid-19 et de ses conséquences directes et indirectes –d’autant que les plus jeunes ne peuvent se faire vacciner. C’est tout une politique de réduction des risques qu’il faut mettre en place. Cela passe par la grande oubliée : l’anticipation ! (...)

Il est également crucial de déployer (pour de vrai, cette fois), les tests salivaires et les tests antigéniques dans les écoles et de marteler l’importance de se faire tester au moindre symptôme (nez qui coule, nez bouché, maux de gorge et/ou de tête, fièvre...) afin de s’isoler dans les plus brefs délais. Nous savons désormais que le variant Delta a tendance à se manifester chez les plus jeunes par des symptômes assez peu spécifiques (comme un simple rhume) ne signant pas toujours cliniquement le Covid. (...)