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Les contre-vérités d’Emmanuel Macron sur le nucléaire
Article mis en ligne le 14 décembre 2020

Énergie décabornée, peu émettrice de CO2, non intermittente… Bref, le nucléaire serait « notre avenir environnemental, écologique », comme le rabâche Emmanuel Macron. Reporterre vous propose une analyse point par point, experts à l’appui, des louanges présidentielles envers cette filière. (...)

S’il émet très peu de gaz à effet de serre, le nucléaire n’est pas intégralement décarboné (...)

« Effectivement, un réacteur nucléaire émet moins qu’une centrale à charbon. Mais, si l’on prend l’ensemble de la chaîne de production de l’énergie nucléaire de l’extraction minière à la gestion des déchets, ce bilan est beaucoup plus lourd », rappelle la juriste. Et la filière compte son lot de mauvais élèves (...)

La non-intermittence du nucléaire, une assertion à nuancer

Déjà, qu’est-ce qu’une énergie intermittente ? Il s’agit typiquement de l’énergie éolienne ou solaire qui nécessite d’être stockée pour gérer les pics de consommation. (...)

quand EDF arrête un réacteur, il ne sait pas quand il le rallumera. On dit que le solaire est intermittent car il n’y a pas de soleil la nuit. Mais on sait que le soleil se lève chaque matin ! Avec le nucléaire, on n’a aucune certitude. En réalité, l’intermittence des gigawatts du nucléaire est devenue totalement incalculable. » (...)

La construction nucléaire exige trop de temps

Trop lent pour lutter efficacement contre le changement climatique : « D’après le Giec, lancer un réacteur prend en moyenne de dix à dix-neuf ans, contre trois à quatre ans pour une installation éolienne ou solaire, rapporte Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace. Or, le programme de l’ONU pour le développement indique qu’il faut baisser nos émissions de 7 % par an d’ici 2030, tous secteurs confondus. Un pays qui se lancerait aujourd’hui dans le nucléaire se mettrait automatiquement hors des clous. » (...)

Quelle est la compétitivité de l’énergie nucléaire ?

Le coût de l’EPR devrait s’établir à 12,4 milliards d’euros, selon la dernière estimation d’EDF, soit 3,3 fois plus que prévu. En conséquence, d’après une estimation de la Cour des comptes, le coût de production du mégawattheure à Flamanville 3 pourrait être compris entre 110 et 120 euros, et serait ainsi plus élevé que celui des réacteurs existants ou même que celui d’énergies renouvelables – coût de stockage compris. L’exemple n’est pas isolé. (...)

Le Giec propose effectivement des scénarios de baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre comprenant une part de production d’énergie nucléaire. Mais son rapport consacré à l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C propose aussi des scénarios de décroissance et de sortie du nucléaire :

« Dans ce rapport, le nucléaire est l’énergie qui recueille le plus de commentaires négatifs », observe Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire. En particulier, le Giec considère les nuisances environnementales liées à cette industrie – production de milliers de tonnes de déchets radioactifs chaque année, pollution des mines d’uranium, risque persistant d’accident de type Tchernobyl ou Fukushima – comme des effets négatifs au regard des « objectifs de développement durable » (ODD), comme on peut le lire p. 461 du rapport.

La Commission européenne reste divisée sur ce sujet, comme l’a récemment expliqué Reporterre. (...)

l’Allemagne atteindra à coup sûr son objectif de réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990. « Quand Emmanuel Macron dit que l’Allemagne rouvre des centrales à charbon depuis qu’elle a décidé de sortir du nucléaire, il ment. Et il ment devant plus de la moitié des jeunes de ce pays. C’est gravissime ! » tacle l’expert.

De toute manière, la situation du nucléaire à l’échelle mondiale ne donne pas raison au président français. Le nombre de réacteurs en service dans le monde a chuté de neuf au cours de l’année écoulée pour s’établir à 408 à la mi-2020, soit en dessous du niveau atteint en 1988, et à trente unités du pic historique de 438 en 2002, d’après le World Nuclear Industry Status Report. En 2019, la construction nucléaire était en déclin pour la cinquième année consécutive, (...)

Cette même année, pour la première fois de l’histoire, les énergies renouvelables non hydrauliques comme le solaire, l’éolien et la biomasse ont produit plus d’électricité que les centrales nucléaires.

LE NUCLÉAIRE EST VULNÉRABLE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE (...)

Le défi de la ressource en eau :

« Sur les 56 réacteurs en service en France, 38 sont situés au bord de rivières ou de fleuves », rappelle Nicolas Nace. Dans les conditions normales d’exploitation, les installations y puisent l’eau nécessaire pour refroidir les réacteurs. Sauf que… « Chaque été et jusqu’à l’automne, il peut y avoir des problèmes d’étiage, ce qui interdit à la centrale de puiser dans ces cours d’eau et peut la contraindre à baisser sa puissance voire à stopper son activité. » (...)

Se pose aussi la question des conflits d’usage et du coût que fait peser sur la collectivité cette soif inextinguible des centrales. « Une usine de dessalement d’eau de mer a dû être construite à côté de l’EPR de Flamanville en prévision de ses besoins en eau », rappelle Mycle Schneider.

Dans un long thread publié sur Twitter, l’ingénieur spécialiste des risques climatiques Thibault Laconde pose même la question : où trouver suffisamment d’eau pour implanter les six nouveaux EPR envisagés par le gouvernement ?

Les risques liés à l’élévation du niveau des mers et aux événements climatiques extrêmes  :

Les centrales situées en bord de mer ne sont pas épargnées par le risque climatique. (...)

Quelle résilience du nucléaire face aux crises à venir ?

En travaillant sur leur rapport 2020, Mycle Schneider et son équipe ont été frappés par les conséquences de la crise du Covid-19 sur le parc nucléaire français. « Les conditions d’exploitation n’étaient pas normales, avec deux tiers de salariés d’EDF en télétravail et quasiment aucune inspection sur site de l’Autorité de sûreté nucléaire pendant deux mois dénonce le consultant. On a eu de la chance – même s’il y a quand même eu des accidents et incidents dont une explosion d’hydrogène à la centrale de Belleville. (...)

« Le changement climatique peut provoquer de graves déstabilisations de notre société, politiques, sociales et en matière de sécurité, redoute Charlotte Mijeon. Or, le nucléaire a besoin d’une société stable, d’un système économique stable, d’infrastructures et d’investissements constants dans la recherche. Si l’on va vers des déstabilisations, il faut tabler sur les énergies les plus résilientes possible. »

C’est maintenant que tout se joue…

Le désastre environnemental s’accélère et s’aggrave, les citoyens sont de plus en plus concernés, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité. (...)