
En août 2015 naissaient les « cars Macron ». Trois ans et demi plus tard, l’auteur de cette tribune tire un bilan mitigé de cette mesure qui a enthousiasmé les médias.
La création, en août 2015, des services librement organisés (SLO) d’autocars (dit « cars Macron ») s’est faite de manière improvisée, sans étude d’impact préalable sur la concurrence train-autocar, sur les budgets publics, sur l’aménagement du territoire et sur l’environnement. Cependant, les médias présentent généralement cette libéralisation comme un succès. Trois exploitants se partagent le marché : Flixbus, qui domine déjà le marché en Allemagne, Ouibus-SNCF, racheté récemment par Blablacar, et Eurolines-Isilines (groupe Transdev), en cours de rachat par Flixbus. (...)
En 2016, selon une enquête de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), si les services SLO n’existaient pas, 17 % de leurs usagers ne se seraient pas déplacés, 37 % auraient pris le train, 19 % une voiture, 2% l’avion et 25 % auraient covoituré. Bruno Cordier a calculé que :
les cars SLO ont pris au train 792 M de voyageurs.km (7 % au TER, 18 % aux Intercités et 75 % au TGV) ;
les Intercités ont perdu 2 % de leur clientèle, le TGV 1,1 % et les TER 0,3 % seulement.
Les pertes de recettes de la SNCF ont été de 45 M€ HT pour le TGV, 9 M€ pour les Intercités et 5,5 M€ pour le TER. Les deux premières ont été supportées par la SNCF et ne constituent pas une dépense publique. Par contre, la perte des recettes TER a été compensée par les régions.
Les dépenses publiques liées aux cars SLO (...)
Au total, les dépenses publiques directes liées aux cars SLO ont été d’environ 24 M€ en 2016 (57 % État, 43 % régions). Elles ne comprennent pas le coût des accidents, nuisances et émissions de CO2. (...)
L’aménagement du territoire
Les cars SLO ont permis d’étoffer le réseau de transport collectif ; ils ont facilité la mobilité des ménages modestes, jeunes et seniors qui acceptent une perte de confort et de temps en échange d’un prix inférieur à celui du train. Mais l’impact des cars SLO sur l’aménagement du territoire est marginal. Par définition, les services SLO ne sont soumis à aucune obligation de service public : une liaison déficitaire ou peu rentable peut être supprimée du jour au lendemain. D’autre part, les exploitants se positionnent en priorité sur les itinéraires autoroutiers (les villes petites et moyennes sont peu desservies, ou pas du tout), les axes déjà bien desservis par le train, et les liaisons métropoles-aéroports : les lignes les plus fréquentées sont Lille-Paris, aéroport de Lyon-Grenoble, Lyon-Paris, Paris-Rouen et Lyon-Grenoble.
Le bilan environnemental des cars SLO
La concurrence faite au train par le car a plus d’impact que celle faite à la voiture (...)
Les propositions de la Fnaut
La création des cars SLO est irréversible, mais on peut rendre son bilan financier et environnemental plus acceptable. Il faut tout d’abord que les autocaristes, comme les transporteurs routiers de fret et les automobilistes, paient l’usage des routes (hors autoroutes concédées) et les émissions de CO2 par une redevance kilométrique : le train paie bien des péages pour circuler sur les voies ferrées.
Quant à la SNCF, elle peut résister à la concurrence des cars SLO en desservant l’ensemble du territoire au lieu de concentrer son offre sur les grands axes radiaux. La SNCF aurait par ailleurs intérêt à suivre l’exemple méconnu de la Renfe, son homologue espagnole, qui a consisté, en 2013, en une réduction générale du prix du billet de l’ordre de 11 % : le gain de clientèle a compensé la perte de recette par voyage.