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Les bibliothèques incendiées
Article mis en ligne le 13 février 2014
dernière modification le 10 février 2014

C’est un fait peu connu, mais plusieurs dizaines de bibliothèques ont été incendiées en France depuis le début des années 2000. Dans la plupart des cas, il s’agissait de structures situées dans des quartiers difficiles, que ce soit en banlieue parisienne ou en province. Certaines ont été entièrement détruites, tandis que d’autres n’ont été que partiellement touchées.

Partant de ce constat, Denis Merklen, professeur de sociologie à l’université Sorbonne Nouvelle (Paris-3), s’est attaché à donner de ces attaques une interprétation qui ne les réduise pas à de simples explosions de violence incontrôlable (comme les médias ou les responsables politiques ont trop souvent tendance à les présenter), mais les replace dans un tissu de rapports et de conflits de nature politique. Une telle approche permet d’élargir la réflexion et de tenter de comprendre des actions que l’auteur considère avant tout comme des messages : “[...] [Si] on pense en termes de ‘conflit’, une réciprocité de l’action s’ouvre immédiatement. Une réciprocité entre deux parties ou plus qui se trouvent donc en situation d’opposition, de dispute ou de confrontation. Et, en cas de conflit, beaucoup de questions et de problèmes s’ouvrent que l’idée de ‘violence’ obture. Quel est l’objet du conflit ? Comment cela a-t-il commencé ? Comment résoudre le contentieux ?”

L’hypothèse de Denis Merklen est que les bibliothèques, malgré les efforts et les bonnes intentions des personnels qui les animent, se trouvent, au sein des quartiers où elles sont implantées, dans une position complexe et inconfortable : d’un côté, elles font l’objet d’une appropriation de la part des populations de ces quartiers ; de l’autre, elles sont vues – au même titre que les établissements scolaires, eux aussi victimes d’attaques – comme des représentantes de l’autorité, dans un contexte où de nombreux habitants, souvent dépendants des aides sociales et des investissements publics pour survivre, nourrissent à l’égard de l’État ou des collectivités territoriales des sentiments ambigus mêlant rejet et désir d’intégration. Conçues pour favoriser l’émancipation des individus grâce à la lecture et à l’accès à la culture, les bibliothèques peuvent aussi conduire à des formes de désocialisation et être perçues comme des agents au service d’un groupe social dominant (...)