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Les banques françaises financent une mine énorme et polluante en Guinée
Article mis en ligne le 4 avril 2019

BNP Paribas, la Société générale et le Crédit agricole financent en Guinée l’extension d’une des plus grandes mines de bauxite de la planète. Des ONG dénoncent les atteintes à l’environnement et des habitants réclament réparation.

Une poussière rouge tenace et menaçante s’infiltre partout dans le nord-ouest de la Guinée Conakry. À Sangaredi, Boké, Télimélé ou Gaoual. La région compte des dizaines de carrières de bauxite à ciel ouvert. D’immenses fosses trouent les paysages verdoyants. Et l’extraction du minerai nécessaire à la production de l’aluminium altère la santé et la sécurité des habitants, détruit l’environnement, réduit la part des terres agricoles des communautés rurales, pollue les rivières et les puits…

Ce n’est pas près de s’arrêter. L’exploitation de la bauxite s’est amplifiée en Guinée à partir de 2015, quand l’Indonésie et la Malaisie ont stoppé leurs exportations vers la Chine, premier producteur et consommateur d’aluminium. Pékin s’est alors tourné vers ce pays d’Afrique de l’Ouest, devenu son premier fournisseur. (...)

Depuis 1973, la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) détient et exploite dans la région, jusqu’en 2038, les droits exclusifs sur une concession minière de 579 km². Le gisement majeur est situé à Sangaredi. Incontournable en Guinée, la CBG est la plus grande entreprise et le premier employeur privé du pays, avec environ 5.000 salariés directs et indirects. La compagnie pèse 7 % du PIB et elle a déclaré avoir payé 90 millions de dollars d’impôts au gouvernement en 2017.

La CBG est née d’une alliance entre le pouvoir guinéen, les géants mondiaux de l’aluminium et de la finance. Le gouvernement détient 49 % des actions. Et les 51 % restants appartiennent à Halco, un consortium de nationalité étasunienne représentant trois grands producteurs d’aluminium : l’Étasunien Alcoa, le Britannique Rio Tinto et Dadco, immatriculé dans les îles anglo-normandes de Guernsey. (...)

des ONG ont saisi, le 20 février 2019, Osvaldo Gratacós, le médiateur de la Banque mondiale. Représentés par le Centre pour le commerce international pour le développement (Cecide), l’Association pour le développement rural et l’entraide en Guinée (Adremgui) et l’organisation étasunienne pour la défense des droits de l’homme, Inclusive Development International (IDI), « les habitants de 13 communautés, toutes situées dans la concession de la CBG » se disent « victimes d’accaparement de terres, de la destruction de leur environnement et de leurs moyens de subsistance, lesquels constituent de graves violations des droits de l’Homme tels que consacrés par les instruments de droit international ». Les plaignants cherchent « à obtenir la pleine et juste réparation pour tous les dommages et les pertes qu’ils ont subis ». Et ils « demandent un environnement sûr et sécurisé ». (...)

Les partenaires financiers du groupe minier, à commencer par la SFI et BNP Paribas, ont-ils négligé les normes sociales et environnementales ? Un rapport de Human Rights Watch (HRW) sur la mine de Sangaredi et ses environs avait déjà donné l’alerte en 2018. « Depuis 2005, la CBG a exproprié quelque 10 kilomètres carrés des terres agricoles ancestrales (…) dans le cadre de l’expansion de son activité. »

Le groupe minier a répliqué dans un communiqué du 15 mars 2019 qu’« au cours de ces quatre dernières années, avec le soutien de ses actionnaires et du gouvernement de la Guinée, la CBG a adopté les standards les plus élevés au niveau international, avec les normes de performance environnementales et sociales de la Société financière internationale ». (...)

Toutefois, comme le relève un compte rendu de la SFI du 24 novembre 2015, « le calendrier du projet d’expansion est rapide ». Est-ce pour cela que « l’équipe de la SFI n’avait pas pu se rendre sur place » pour l’évaluation environnementale et sociale du projet et qu’une « visite de terrain a été effectuée en septembre 2015 par des membres d’un cabinet de conseil guinéen » mandaté par la CBG ? La majorité des échanges ont eu lieu par téléconférences hebdomadaires !

Ce qui ne rassure pas les habitants de Sangaredi. Car le potentiel total du gisement est évalué à 27,5 millions de tonnes par an ! Et la CBG entend bien l’exploiter jusqu’au dernier gramme de bauxite. De plus, la compagnie détient à Sangaredi, au nord de la rivière Kogon, les droits exclusifs d’une autre zone de concession de 2.360 km2 non exploitée, et valable jusqu’en 2040.