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Le triple A mis à nu par ses cadres dirigeants
Les dessous du triple A. Agences de notation : récit de l’intérieur Samuel Didier Nicolas Weill Éditeur : Omniscience
Article mis en ligne le 15 mars 2013
dernière modification le 11 mars 2013

Belle surprise que ce livre sur les agences de notation qui présente une double qualité : celle de la précision et celle de l’accessibilité. C’est là le fruit du travail entre un économiste et praticien, Samuel Didier, dont l’identité véritable demeurera cachée en raison de ses fonctions au sein d’une des fameuses agences de notation, et Nicolas Weill, connu pour être le responsable de la page Idées du quotidien Le Monde.

Ce dernier a su donner une indéniable profondeur réflexive et politique à un propos qui ne concède rien quant à la rigueur technique. Samuel Didier apporte pour sa part le poids de l’expérience et de l’immersion au sein d’un milieu qu’il dépeint sans manichéisme. L’ouvrage présente ainsi la caractéristique de déborder le cadre de la théorie macroéconomique et de la note technique ou du policy paper pour nous livrer la pensée d’un praticien qui tire les conclusions de l’indéniable échec des institutions auxquelles il appartient.

Ce constat, les deux auteurs ne cherchent nullement à le nier mais ils tentent de l’expliquer et de le dépasser. On ne trouvera ici ni plaidoyer prodomo ni règlement de comptes d’un analyste désabusé et dénonciateur comme il en a beaucoup fleuri. Ce ton équilibré a la vertu de favoriser l’autonomie du lecteur. (...)

L’utilisation de la métaphore du supraconducteur utilisé dans le livre décrit bien l’utopie de marché qui est née de l’innovation technique des années 90 et 2000. Les marchés financiers ne comportent plus de coûts de délais ou de distance.
Les investisseurs ont eu l’impression, tels les prisonniers du mythe de la caverne de contempler enfin L’idée du marché dans toute sa pureté. C’est oublier que le mythe comporte aussi à sa toute fin l’épisode de la redescente vers les réalités terrestres. Cette dernière fut brutale.

Cet espace de marché accru et son caractère de quasi-simultanéité ont favorisé le développement d’une complexification des produits financiers dont le processus était certes entamé bien antérieurement. (...)

La cause majeure du dysfonctionnement du système financier réside en outre dans ce problème non résolu qui est l’asymétrie de l’information. La fluidité du marché financier mondial n’a pas résolu ce problème, il l’a au contraire accru en faisant de l’information financière un bien négociable sur lequel repose la clef de voûte de l’édifice.
(...)

Au lieu de présenter une structure de produits et de la livrer au marché, on a subordonné les structurations des produits proposés à la finalité du triple A. Les intermédiaires financiers qui se sont glissés dans cette logique ont créé une demande nouvelle. Les agences de notation n’ont pas été capables de faire face à cette demande du marché et n’ont pas su imposer leur propre modalité d’évaluation et se sont inclinées face à cette logique imposée par les clients. Dès lors on a assisté à une inflation des notations triple A. Par exemple, pour tel montage donné, un faible nombre d’obligations triple A pouvait en fait recouvrir des actifs risqués. (...)

il s’agit du défaut de la structure de marché de la notation trop oligopolistique pour une demande devenue pléthorique. Ce défaut de marché a débouché sur un rating shopping dont la logique conduit à s’adresser prioritairement à l’agence la mieux-disante en terme de notation pour un même produit donné.Le cercle vicieux de la surnotation s’est ainsi enclenché jusqu’à provoquer d’importantes distorsions, entre notations effectives et capacités de remboursement des emprunteurs. (...)

Un autre phénomène explique comment ce mécanisme s’est enclenché