
On ne s’en tirera pas en se tournant les pouces. Il y a tout un travail à faire pour sortir du capitalisme et qui consiste principalement à organiser le travail en dehors du capitalisme et donc du salariat, donner les moyens de passer du travail forcé au travail choisi, libération du travail comparable à l’abolition de l’esclavage et que certains appellent un peu rapidement la fin du travail alors que ce n’est que la fin (relative) du salariat et du marché du travail.
...A l’opposé des illusions d’une production qui se ferait toute seule, il s’agit d’arriver à "produire la richesse autrement" en relocalisant l’économie notamment mais pour cela, il faut prendre la question du côté de la production et non du côté de la consommation avec un moralisme sans aucune effectivité....
...Pour être effectif, le dépassement du capitalisme doit s’appuyer sur le mouvement réellement existant, sur l’adaptation des rapports sociaux aux nouvelles forces productives et non sur nos préférences subjectives, nos croyances religieuses ou nos réactions émotionnelles.
Ce que les luttes pour l’émancipation peuvent nous faire espérer, ce n’est pas rien puisque c’est une conquête du même ordre que l’abolition de l’esclavage, conquête fondamentale s’il en est mais dont il faut se rappeler qu’elle n’a pas débouché pour autant, loin de là, sur une liberté totale ni même sur l’émancipation des travailleurs qui ont dû conquérir de haute lutte depuis protections sociales et droit du travail. Nous avons à faire le pas suivant avec la difficulté de devoir tenir compte de la nouvelle rupture de civilisation que nous connaissons à l’ère de l’écologie, de l’information et du développement humain....
...La question politique que nous pose la conjonction des crises économique, écologique, technologique n’est pas de tout reprendre à zéro mais des possibilités objectives qui nous restent de préserver nos conditions de vie et de continuer l’émancipation humaine dans ce véritable changement d’ère que nous vivons. ...
....A l’opposé de ces effusions métaphysiques globalisantes perdues dans l’abstraction d’un au-delà inatteignable, c’est tout au contraire au niveau local qu’il faudrait agir pratiquement, et dès maintenant. Il n’y a que des alternatives locales à la globalisation marchande, c’est notre réalité, notre environnement, c’est le territoire qu’il nous faut réhabiter et qui nous ramène sur terre, y compris dans les rapports avec nos concitoyens.
Rien n’empêche bien sûr les expériences communautaires mais c’est tout autre chose qu’une politique communale, la municipalité étant prise comme unité de base de la démocratie (le dème est à l’origine un découpage territorial à l’opposé des solidarités communautaires). Ramener la politique à une démocratie de face à face, avec nos voisins et les gens tels qu’ils sont, pas comme on voudrait qu’ils soient, permet de tempérer nos idéalisations et de mieux évaluer ce qui est praticable....
...Qu’on ne s’y trompe pas, nous vivons bien une époque exaltante malgré les menaces qui s’amoncellent. Nous sommes à l’aube d’un monde nouveau celui du numérique et de l’écologie qui sont plus liés qu’on ne croit et nous font entrer dans une ère nouvelle où toutes nos anciennes conceptions devront être révisées. Alors qu’on se croyait à la fin de l’histoire, nous retrouvons la vie historique avec toutes ses incertitudes face à des enjeux vitaux. Ce qui est certain, c’est que nous vivons une rupture anthropologique, une révolution comme on en a peut-être jamais vue et qui nous prend de court mais qui ne sera certainement pas une révolution selon nos désirs les plus fous.
...La rupture anthropologique que nous vivons peut se résumer au passage de l’ère de l’énergie à l’ère de l’information, c’est-à-dire de l’ère de l’entropie à l’ère de l’écologie dans un saut comparable à celui du vivant qui arrive à s’opposer à l’entropie par la reproduction et l’homéostasie, dans une évolution complexifiante...