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Le travail caché est un secret bien gardé
Patrick Rozenblatt est sociologue du travail, directeur de l’Institut d’études du travail de Lyon et fondateur de la Chaire Egalité, Inégalités et Discriminations
Article mis en ligne le 18 mai 2012
dernière modification le 16 mai 2012

En France, le travail est reconnu et respecté parce qu’il ouvre sur un emploi avec la signature d’un contrat spécifique qui reconnaît l’asymétrie des parties en présence : le salarié étant subordonné à un patron qui détient le pouvoir conféré par le capital.

Un rapport qui a été institutionnalisé et étendu par la loi de mensualisation de 1974. C’est à partir de ce moment, d’ailleurs, que le capital et ses représentants vont organiser la résistance et vont enclencher en France ce que l’on appelle communément aujourd’hui l’externalisation du travail .

Elle s’est concrétisée par l’invention de toutes les formes de contrats sur mesure, de l’intérim au CDD [contrat à durée déterminée] en passant par le temps partiel, le travail en régie, en sous-traitance, jusqu’au statut de l’auto entrepreneur... (...)

self service à la pompe à essence, caisses automatiques aux supermarchés, automates des transports en commun, à la poste… Derrière ces situations on peut mesurer les suppression d’emplois qui pour autant ne suppriment pas le travail mais qui, subtilement, l’efface dans sa mesure et dans ses conséquences : plus de salaire à payer, plus de cotisation sociales à verser, minimisation des risques psycho-sociaux, pas de syndicat et pas de grève, etc.

Pour autant, le travail qui se réalise reste totalement subordonné à l’organisation du capital qui en fixe unilatéralement les règles. Pour le vérifier, essayez de prendre de l’essence sans respecter la procédure ou de passer aux caisses automatiques d’un supermarché sans obéir à l’automate !…

Les plus complexes obligent le consommateur à un travail intellectuel en réseau.
(...)

Dans tous ces exemples, le capital exploite le travail à son seul profit. On peut dire sans exagérer qu’il emploie au noir une population de plus en plus importante (...)

avant même de vouloir taxer le capital, comme cela a été avancé dans la campagne électorale, si l’on prenait les moyens de mesurer cet immense travail dissimulé on peut faire l’hypothèse qu’une partie considérable des déficits sociaux en tout genre seraient comblés. Et on aurait surtout une représentation plus fidèle des conditions de la production de richesse dans la société. (...)

En quelque sorte aujourd’hui le travail est de plus en plus le fruit d’un « travailleur collectif » qui associe salariés et consommateurs, employés et stagiaires, fonctionnaires et usagers, formes manuelles et intellectuelles, ce qui rompt avec le stéréotype de l’idée selon laquelle on n’est productif que si l’on a un emploi. (...)

comment concevoir et instituer, avec force imagination, un monde où serait reconnues et mises en valeur toutes les formes coopératives de création, de production de biens et de services, marchands et non-marchands, permettant une valorisation de l’existence de tous les individus, tendant vers plus d’égalité, de citoyenneté et ouvrant vers un dépassement des rapports de servitude ?

Rien ne pourra progresser en ce sens tant que ne sera pas reconnu le travail produit par ce travailleur collectif bien réel mais aucunement représenté dans la société.
(...)

Ebuzzing