Deuxième ville de l’Égypte, important port en Méditerranée, Alexandrie a connu des périodes de gloire dont ont longtemps témoigné ses monuments et ses habitations. Mais elle a été, depuis plusieurs décennies, victime d’un saccage auquel ont participé généraux et nouveaux riches.
Cet article a été écrit par Ismaïl Alexandrani, un brillant journaliste et chercheur égyptien arrêté dès son arrivée en Égypte fin novembre 2015 (il venait rendre visite à sa mère malade). Sa détention est régulièrement prolongée. Une pétition circule pour sa libération. (...)
La ville, sur le front de mer comme à l’intérieur, se trouve saccagée, du fait de l’appât du gain. dans ce saccage, le général qui dirige, le riche promoteur et la « dupe » indigente sont complices. L’air est devenu étouffant, la verdure a disparu, les fleurs sont écrasées, les rues sont devenues sombres à midi, les égouts ont débordé, les vestiges archéologiques sont détruits, le patrimoine architectural et humain si singulier est à la merci de tous. Les habitants ont vu leur ville kidnappée et leurs souvenirs spoliés. Dans les rues d’Alexandrie, des hordes d’estivants affluent, sans autre souci que de voler des moments de plaisir pour la journée, avant que les bus ne les ramènent dans leurs communes et villes bien moins reluisants qu’Alexandrie, cette ville florissante mais ruinée. Des visiteurs qui ne prêtent aucune attention aux habitants de la ville qui ont oublié les vrais saboteurs pour se livrer à des batailles saisonnières avec les touristes.
Les généraux en ont fini avec la ville et sont partis à la conquête du désert, dont ils ont commencé à vendre les terres immenses, accaparant ainsi non seulement le littoral, mais aussi les gisements miniers et les étendues de sable dans l’Égypte immense. Les guinées se sont volatilisés des poches des dupes qui ont dû retourner d’où ils venaient, poursuivis par des arrêtés de justice les condamnant à la prison. Et voici donc la ville d’Alexandrie passée maître dans l’art du saccage urbanistique, après avoir été maître dans l’art de l’architecture urbaine. Pour cela, une recette simple : le despotisme d’un général, la corruption d’un promoteur, l’opportunisme d’une dupe qui ne l’est plus.