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Les poussins sont toujours broyés en France, malgré l’interdiction
#L214 #poussins #broyage #volailles #UE #France
Article mis en ligne le 8 novembre 2025
dernière modification le 5 novembre 2025

Broyer les poussins est encore pratiqué par certains couvoirs français, révèle l’association L214, malgré l’interdiction pour une partie de la filière. Plusieurs dérogations ont en effet été accordées.

Plusieurs centaines de poussins jaunes emmenés par tapis roulant dans un broyeur, un opérateur qui lance quelques oisillons comme des balles de ping-pong, un autre qui leur adresse des coups de raclettes : les images sont glaçantes. Habituée des révélations sur l’industrie de l’élevage, l’association de défense des animaux L214 a publié le 23 octobre une enquête sur le broyage de poussins et de pintadeaux dans le couvoir Boyé Accouvage à La Boissière-en-Gâtine.

L’association dénonce ces méthodes pratiquées dans le couvoir des Deux-Sèvres, qui dit couver plus de 1,3 million d’œufs chaque semaine. Face à cela, L214 annonce avoir porté plainte pour sévices graves et mauvais traitements auprès de la procureure du tribunal judiciaire de Niort. Selon Terrena, maison mère de Boyé Accouvage, une enquête interne serait en cours « pour faire la lumière sur ces faits ».

Directeur d’Anvol, l’interprofessionnelle de la volaille de chair, Yann Nédélec s’accorde pour dire que les gestes filmés « sont inappropriés et ne respectent pas les procédures ». Néanmoins, il estime que « L214 veut faire croire à une généralité de [ces pratiques dans le couvoir], ce qui n’est pas le cas ». (...)

Pas d’interdiction pour la filière viande

Aussi cruelle soit-elle, l’euthanasie des poussins reste largement pratiquée en France. Chaque année, de très nombreux gallinacés sont tués, âgés au plus de quelques jours.

En février 2022, le gouvernement de Jean Castex avait pris par décret la décision d’interdire « la mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs ». Mais cette interdiction, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, ne concerne pas les couvoirs destinés à alimenter la filière viande, comme Boyé Accouvage.

« Les couvoirs sont souvent spécialisés soit pour la filière viande ou pour les poules pondeuses », explique Bérénice Riaux, responsable du pôle enquête de L214. D’après le Syndicat national des accouveurs (SNA), en 2016, il y avait 112 lieux de couvage artificiel sur le territoire français. Parmi eux, 80 alimentent la filière viande en 2024, selon Anvol.

Mais la raison derrière ces mises à mort reste sujette à discussion. Dans son enquête, l’association explique que certains éleveurs commandent des poussins d’un sexe, plutôt que de l’autre, pour avoir des cheptels homogènes. Un choix guidé par les différences d’infrastructure et de besoins nutritionnels pour chaque sexe, et qui implique donc la mise à mort des poussins éclos ne correspondant pas aux commandes.

Selon les données récupérées par l’association pour la journée du 23 septembre, le couvoir des Deux-Sèvres a livré 97 555 oiseaux femelles et 29 852 mâles à des éleveurs. 67 704 poussins mâles « en trop » ont été tués, selon l’association. Sollicité, le service communication de la maison mère de Boyé Accouvage, Terrena, déclare que ces chiffres « sont faux ».

Yann Nédélec assure quant à lui que les poussins ne sont pas tués en raison de leur sexe. « Nous éliminons seulement les poussins non viables, atteints de maladies ou de malformation », explique le représentant de la filière de la volaille de chair. (...)

Pourtant, « il n’y a pas de données, pas de visibilité » sur les poussins concernés par l’euthanasie, toute filière confondue, se désole Bérénice Riaux. « C’est fait en vase clos : les poussins éclosent le matin dans le couvoir et ils sont broyés quelques heures après. »
Une dérogation dans la filière ponte

L’euthanasie reste également pratiquée au sein des couvoirs de poule pondeuse, dans certains cas. En 2023, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire s’était félicité d’avoir la « première [filière d’œuf] au monde, avec l’Allemagne, à mettre fin » au broyage des poussins mâles en filière ponte. Mais le texte prévoyait aussi des dérogations.

Si la fin du broyage a bien été actée dans cette filière, la mise à mort par gazage est toujours d’actualité, notamment pour les poussins qui sont « utilisés pour l’alimentation animale », selon un arrêté publié le 7 novembre 2022. Cette décision est justifiée par l’impossible détermination du sexe pour certains poussins avant éclosion, par une technique d’ovosexage.

Obligatoire depuis 2023 pour les œufs bruns dans la filière ponte, cette technique détermine le genre du futur poussin lors de son stade embryonnaire, grâce à la couleur de ses plumes. Cela permet alors de détruire les œufs de poussins mâles avant éclosion.

Mais si cette technique fonctionne avec les œufs bruns, destinés à la consommation (dits œufs « coquilles »), issus de poules brunes, la dérogation touche les œufs blancs, pondus par des poules de cette même couleur. Cette production fournit l’industrie agroalimentaire et la restauration, avec ce qu’on appelle les ovoproduits. Selon l’interprofession des œufs, le CNPO, les souches blanches correspondent à 15 % des poules exploitées par la filière ponte en France.

En France, la mise à mort par gazage reste légale pour les poussins mâles venant d’œufs blancs. Selon L214, cette différence persiste à la demande de l’interprofessionnelle de la filière ponte. (...)

Des alternatives existent

Du côté des associations animalistes, cette différence ne fait pas sens. « Il faut élargir [l’interdiction et le recours à l’ovosexage] à toute la filière œuf et viande », clame Bérénice Riaux. En Allemagne, où l’élimination des poussins mâles est interdite dans toute la filière ponte depuis 2022, la couleur des œufs ne semble pas être un problème. Outre-Rhin, l’ovosexage peut se faire par spectroscopie, ou bien grâce à une méthode d’analyse hormonale.

Mais à chaque fois que la pratique de l’ovosexage est évoquée, la question du coût financier est rétorquée par les regroupements de la profession. (...)

la Commission européenne a dévoilé, le 21 octobre, son programme de travail pour 2026, sans aucune mesure dédiée au bien-être animal.