
Similaire à Saint-Jacques-de-Compostelle par sa longueur, environ 1.200 kilomètres, le pèlerinage de Shikoku fait le tour de l’île japonaise du même nom. Depuis 1.200 ans, les pèlerins relient quatre-vingt-huit temples et cheminent sur les traces de Kōbō-Daishi, fondateur du bouddhisme Shingon, en quête de sens, pour commémorer un défunt ou simplement par amour de la marche.
Immersion dans un périple hors du commun effectué en quarante-deux jours de marche.
Shikoku, la plus petite des quatre grosses îles japonaises, accueille l’un des pèlerinages les plus populaires du pays. On l’effectue à pied, en vélo, en voiture ou en bus. Les pèlerins qui choisissent de relier les quatre-vingt-huit temples par la marche mettent généralement entre quarante et cinquante jours. (...)
la secte Shingon : une forme ésotérique du bouddhisme, synthèse de ces nouvelles pratiques avec un bouddhisme multiforme qui s’est développé au Japon depuis le VIe siècle. (...)
Le pèlerinage de Shikoku n’a ni début, ni fin : il est circulaire et peut débuter de n’importe quel temple. Si la plupart des pèlerins effectuent leur périple dans le sens des aiguilles d’une montre, d’autres comme Tetsuya, 71 ans, le font en sens inverse. Le trajet est réputé être beaucoup plus difficile en raison des dénivelés importants et de l’absence de marquages. (...)
Certaines portions du chemin sont très difficiles. (...)
Tout au long de leur périple, les henros (pèlerins) gravissent des montagnes, traversent des forêts, des champs de riz ou de cosmos, des vergers de kaki ou d’agrumes, mais arpentent aussi des tunnels et longent des routes nationales. (...)
Cet itinéraire ne serait pas possible sans les hommes et les femmes qui gravitent autour. Ihala, 60 ans, gère depuis vingt ans le minshuku Sazanka, situé juste à côté du temple vingt-deux. Les minshuku sont des maisons d’hôtes chez l’habitant. Il est aussi possible de dormir dans certains temples et dans des ryokan, des auberges traditionnelles dotées de bains (o-furo) ou de sources chaudes (onsen), pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui marchent depuis plusieurs jours ! Dans tous les hébergements les repas sont servis à heure fixe, généralement 18 heures pour le dîner et 6h30 pour le petit-déjeuner. Le pèlerin reçoit aussi des O-settai (offrandes) tout le long du parcours (argent, nourriture, boissons, petits cadeaux) qu’il serait très impoli de refuser. Cette pratique, particulière à Shikoku, est ancrée dans les coutumes locales depuis des siècles. (...)
Au Japon, peut-être encore plus qu’ailleurs, l’habit fait le moine ! La plupart des henros se différencient du simple marcheur en arborant un chapeau pointu en paille (Suge kasa), une veste blanche (Hakui) pour signifier leur mort au monde, un rosaire (Juzu) de 108 perles qui représentent les passions dont chacun doit se défaire pour atteindre l’Illumination, un sac blanc (Zuda bukuro) pour contenir le Nokyo-cho (le carnet du pèlerin), une étole (Wagesa) et un bâton en bois de section carrée (Kongo-tsue) recouvert d’un capuchon de brocart coloré sur lequel est accroché une petite clochette (Jirei). (...)
Le bâton est l’un des accessoires les plus importants du pèlerin. Il est l’incarnation de l’esprit de Kûkai. Il protège et accompagne le henro tout le long du périple. Il porte gravés sur la longueur les caractères « Dogyo Ninin » (voyager à deux). L’objet représente Kûkai marchant au côté du henro, exactement comme le bourdon du pèlerin de Compostelle représente Saint-Jacques l’accompagnant sur son chemin. (...)
La moyenne d’âge des Japonais·es qui effectuent cette marche est assez élevée.