
Alors que le passe sanitaire s’impose déjà au quotidien, les demandes de vaccination de la part des personnes migrantes et/ou en situation de grande précarité se multiplient. Médecins sans Frontières, en charge d’une grande campagne de vaccination en Ile-de-France, alerte sur la nécessité de déployer des moyens supplémentaires.
Transports, cafés, restaurants, lieux accueillant du public en intérieur... Déjà en vigueur dans certains cas, l’obligation de présenter un passe sanitaire se déploiera complètement à partir du 9 août, si le Conseil Constitutionnel ne s’y oppose pas. En parallèle, les demandes de vaccination chez les personnes en situation de grande précarité augmentent, de façon exponentielle. Depuis le lancement de la campagne de Médecins sans Frontières (MSF) en Ile-de-France, le 8 juin, "4 136 personnes ont été vaccinées", rapporte Corinne Torre, cheffe de mission France, à InfoMigrants. "Le nombre de demandeurs augmente tous les jours".
C’est surtout dans la foulée du discours présidentiel du 12 juillet, détaillant les usages du passe sanitaire, que ces demandes ont bondi. "L’impact a été direct : dans la semaine qui a suivi, on s’est retrouvé débordé avec beaucoup plus de personnes se présentant à la clinique mobile. Depuis, ça ne décroit pas", raconte Corinne Torre. Alors que la clinique mobile de MSF, située Porte de la Villette à Paris, ne reçoit qu’à partir de 10h30, "des personnes forment une file d’attente dès 8 heures".
Dans le centre de distribution alimentaire voisin, où l’ONG intervient également, deux personnes supplémentaires ont été recrutées, afin d’assurer une présence tous les jours - et non plus seulement trois jours par semaine. (...)
Des incertitudes quant à l’accès aux hébergements et accueils d’urgence
L’inadéquation entre les besoins et les moyens risque de freiner l’accès aux droits et aux services élémentaires pour les plus précaires. "Se rendre dans un café est pour certains un moyen essentiel d’accéder à une connexion internet, de réaliser des démarches en ligne, de charger un téléphone : sans passe sanitaire, cela ne sera bientôt plus possible", s’inquiète la responsable de MSF.
En outre, des incertitudes demeurent sur l’accès aux centres d’hébergement d’urgence, établissements médico-sociaux ou accueils de jour. Faudra-t-il présenter un passe sanitaire à l’entrée ? Dans quelles structures, avec quelles jauges ? "Nous posons des questions, mais nous n’avons pas de réponse", déplore Corinne Torre. "Le passe a été décidé du jour au lendemain, mais, dans les détails, pour les personnes précaires, il n’a pas été réfléchi".
Contactée à ce sujet et, plus largement, sur les besoins de vaccination soulevés par MSF, la Direction générale de la santé n’a pour l’heure pas répondu à nos questions.
Les mineurs non-accompagnés en recours toujours bloqués
Alors que tous les enfants de plus de 12 ans sont concernés par le passe sanitaire, les mineurs non-accompagnés (MNA) en recours pour faire reconnaître leur minorité demeurent, eux, exclus de la vaccination. Ni mineurs, ni majeurs aux yeux de l’administration, ces derniers n’ont pas de représentant légal pouvant autoriser cet acte médical. Alors que les ONG dénoncent depuis plusieurs mois ce blocage, aucune réponse ne leur a été apportée. "C’est un sujet qui fâche, un vrai problème politique", fustige Corinne Torre.
D’un côté, "l’Agence régionale de santé et le ministère de la Santé sont favorables à leur vaccination en nous disant que s’ils ont été évalués majeurs, c’est qu’il faut les considérer comme tel". Mais de l’autre, "lorsque ces jeunes se présentent avec leurs papiers d’identité indiquant leur minorité, les professionnels de santé refusent de les vacciner, puisqu’ils sont mineurs..." (...)
Une "course contre la montre" jusqu’en septembre
La campagne de vaccination de MSF couvre des structures comme les centres d’hébergement d’urgence, les foyers de travailleurs migrants, ou encore les accueils de jour, mais elle est également destinée aux personnes sans-abri (interventions dans les rues, campements, lieux de distribution alimentaire...).
Elle se clôturera fin septembre. Son objectif d’ici là : 6 000 à 10 000 personnes vaccinées. "Nous devrons peut-être vacciner un mois de plus", anticipe déjà Corinne Torre. (...)
au mois d’août, plusieurs opérateurs vont suspendre leur activité ou fonctionner avec un personnel réduit. "Il était évident que le mois d’août allait poser problème, et les annonces présidentielles ont aggravé cela", résume Corinne Torre.
L’Agence régionale de santé vient d’appeler, la semaine dernière, à une augmentation des effectifs des associations comme MSF et la Croix-Rouge afin de garantir l’accès au vaccin et au dépistage. "Nous ferons notre possible, mais nous ne pourrons pas tout pallier", tient à nuancer Corinne Torre. "Il faut que chacun prenne ses responsabilités".