
Vivons-nous une des ces périodes graves de l’Histoire, comme en 1789 ou en 1939, ou même en 1871 pour ne citer que quelques dates ayant marqué notre pays ? On sait que ces événements de 1789 ou 1939 furent précédés par un ensemble de contradictions, de tensions, d’instabilités mettant en jeu des forces politiques, des aspirations idéologiques et surtout des tensions d’ordre économique. En fait, la guerre européenne de 39-45 ne peut être dissociée de celle qui la précéda en 1914. Entre 1900 et 1950, c’est une immense zone qui a été transformée et pour le dire avec des mots percutants, les sociétés européennes, Russie incluse, plus l’empire Ottoman, ont été pour ainsi dire taillées comme on élague un arbre en coupant les branches. Sauf que ce sont des hommes qui ont été taillés, triturés, massacrés, envoyés au front comme à l’usine. Entre 1800 et 1950, le progrès occidental n’a montré aucune harmonie sur le plan social mais une progression industrielle que rien n’a pu stopper. Le nouveau monde technique a été accompagné de quelques évolutions sociales remarquables. Avec deux traits emblématiques, le déclin de l’aristocratie et le développement de la classe ouvrière. Ce sont les romanciers qui ont tracé les contours de ces métamorphoses.
(...) La situation de la France, comme celle de l’Italie ou l’Espagne, est mauvaise. Sans parler d’agonie, on peut penser que les perspectives d’avenir sont inquiétantes mais pas pour tous. La dette impose des économies alors que la société nécessite plus de dépenses publiques et que la perspective de croissance est nulle ou réduite. Le système économique est devenu absurde. On croit que l’avenir est dans la production de nouveau produits dont on peut très bien se passer alors qu’il y a des tas de besoins à satisfaire en employant des gens formés à des métiers conventionnels. L’avenir doit se concevoir sur une organisation sociale harmonieuse et juste plutôt que sur une frénésie de croissance et de compétition. L’homme n’a pas vocation à être cet universel cheval de course doublé d’une bête de somme ! (...)
La tendance de l’Europe hyperindustrielle, c’est « l’extermination économique de masse ».
Cette extermination n’est pas voulue, programmée, elle est juste la conséquence des calculs de profits et revenus dispensés de manière inégalitaire aux individus. D’ici dix ans, on verra des cohortes de vieux moisir dans la misère, faute d’avoir pu cotiser suffisamment, privé d’une carrière de travail par la dureté de la jungle des licenciements. Peut-être que comme au Japon, on verra des vieux commettre des hold-up pour finir en taule nourris et logés, quoique, les prisons françaises n’ont pas bonne réputation. Le suicide sera un meilleur choix. Des jeunes et des moins jeunes servent d’ajustement avec des emplois précaires, des emplois à temps partiels, des stages, des piges, des vacations, des emplois services, des petits boulots d’autoentrepreneur. Pendant ce temps, les fortunes se déplacent, croissent et paraît-il, des centaines de milliards d’euros sont soustraits au fisc, somme qu’on comparera que quelques dizaines de millions d’euros que va rapporter cette stupide TVA à 7% sur le livre. (...)
Sans doute y aurait-il un livre à écrire sur le tiers révolutionnaire mais vu qu’il n’existe pas, alors je m’en irai aux quatre vents contempler le printemps sans révolution ni poète. Si les gens sont dominés par les élites, c’est qu’ils sont aliénés par la science, la technologie, la religion et la marchandise. Les aliénés ont des œillères. Ils seront exterminés existentiellement parlant, ou alors complices de l’extermination économique.
Quant à Mélenchon, je suis comme beaucoup admiratif face au tribun et sa verve révolutionnaire qui a toute sa place dans le contexte historique. Je crains juste que le peuple ne soit pas à la hauteur et que toute cette agitation dans les meetings ne se termine comme après les mouvements de rue échoués face à la réforme des retraites. Tout cela manque d’élan généralisé, de générosité à l’échelle nationale et surtout de pensée, de philosophie. Je suis un philosophe des Lumières et je ne vois que censure, obstacle, bêtise, cupidité, obscurantisme idéologique, scientifique, religieux. Il faut faire exploser les savoirs et faire naître les connaissances avant de faire la révolution. Et j’aime bien Mélenchon !