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Le mouvement féministe se mobilise pour une Europe sans murailles
/ Natalia Hirtz, chercheure au Gresea. (Belgique)
Article mis en ligne le 25 octobre 2021

En septembre 2019, 263 féministes provenant des milieux militants et associatifs divers, se sont donné rendez-vous à Genève pour la rencontre « Femmes*, Migration, Refuge », organisée par différentes associations, à l’initiative de la Marche mondiale des femmes/Suisse. L’objectif de cette rencontre était de prolonger la journée de grève internationale des femmes/féministes durant laquelle des centaines de milliers de femmes avaient débrayé pour protester contre « les violences, les discriminations et les inégalités inhérentes à la société capitaliste et patriarcale »

L’engagement féministe dans la lutte contre les politiques migratoires restrictives trouve ses fondements dans diverses explications. Tout d’abord, selon une approche féministe centrée sur l’égalité entre femmes et hommes et se basant sur le fait que les femmes représentent la moitié de la population mondiale, il serait paradoxal de se concentrer uniquement sur une minorité de femmes disposant du privilège à la mobilité, alors que ce droit fondamental est inaccessible au plu grand nombre de la population mondiale. Ensuite, les femmes et les personnes LGBTQI+, représentent plus de la moitié de migrant.e.s. Cette réalité contraste avec le récit dominant consistant à présenter la migration masculine comme universelle.

L’invisibilisation des femmes et des personnes LGBTQI+ implique une méconnaissance totale de leurs problématiques spécifiques que de nombreuses féministes cherchent à dévoiler. Elles ont ainsi élaboré des propositions pour leur prise en compte en matière de droit d’asile et de politiques de contrôle migratoire, spécialement meurtrières pour cette population, mais aussi pour les enfants. Enfin, et plus largement, c’est la question des frontières qui se pose en tant que construction masculine et patriarcale, historiquement combattue par de nombreuses féministes qui, notamment organisées en temps de guerre pour s’y opposer, ont donné naissance au courant féministe antimilitariste. (...)

en pleine crise multidimensionnelle (sanitaire, sociale, économique et politique), la Commission européenne a présenté son « nouveau pacte sur la migration et l’asile », le 23 septembre 2020, soit quinze jours après l’incendie qui a détruit le camp de Moria, et alors que plus de 10.000 personnes survivaient dans des tentes de fortune dans un nouveau camp fermé à Kara Tepe aux conditions sanitaires encore plus précaires que celles de Moria. Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron annonçait, lors d’un déplacement au col du Perthus le 5 novembre, le doublement des effectifs chargés de surveiller les frontières françaises.

Le « nouveau pacte sur la migration et l’asile » vise à « mettre en place un système de gestion de la migration prévisible et fiable »[4]. Plus que de chercher à s’occuper de l’accueil des migrant.e.s, il s’agirait de « gérer » les « flux migratoires » comme un réseau d’irrigation dont le système présenté comme innovant ne consisterait qu’à renforcer le contrôle des frontières, les centres fermés et les expulsions. (...)

Ainsi, par exemple, la coopération avec les pays dits de transit, implique le soutient aux « garde-côtes libyens au moyen de formations et de suivi ainsi que par la fourniture d’équipements et de navires ».

Il s’agit d’empêcher les personnes migrantes de quitter la Libye avec l’aide de Frontex, alors que de nombreux.euses migrant.e.s s’y trouvent dans des conditions d’esclavage, sont incarcéré.e.s, vendu.e.s, violées et torturé.e.s.

Ce plan vise également à renforcer les rangs de Frontex, alors que, doté depuis 2018 d’un mandat élargi et d’un budget de plus d’un milliard d’euros, l’Agence européenne ne cesse d’attirer l’attention quant à son manque de transparence en matière des droits humains (...)

Ce « nouveau pacte » qui se trouve dans la continuité de Dublin III, tout en véhiculant de manière paradoxale des arguments d’« aide aux pays du Sud de l’Europe » (pour pallier une situation engendrée par des règlements imposés par la Commission européenne elle-même), prévoit également des procédures par lesquelles les pays membres de l’UE ne désirant pas accueillir de migrant.e.s pourront « parrainer » (financer) des expulsions.

En effet, chaque pays aura la possibilité de choisir « sa forme de solidarité » avec les pays méditerranéens. Il pourra soit financer l’expulsion, soit accueillir quelques refugié.e.s qui pourront même être choisit en fonction de leur nationalité. Ce mécanisme dit de « solidarité obligatoire flexible » risque, en autre, d’allonger la période d’enfermement des migrantes et des migrants, faisant grossir les centres fermés[8].

Enfin, en freinant encore plus les arrivées, en limitant l’accueil par le « tri des personnes » et en augmentant les expulsions, ce pacte ne vise qu’à renforcer l’Europe forteresse. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de radicaliser nos luttes pour une Europe ouverte, solidaire, égalitaire et féministe.