
Avec le Covid-19, le port du masque s’invite dans l’habillement, mais s’il est le plus souvent d’ordre sanitaire et a pour mission de protéger (soi ou les autres), il est aussi un élément fascinant de création d’un autre, que ce soit depuis le théâtre de l’Antiquité jusqu’à des événements de mode très récents, en passant par l’utilisation festive de la noblesse d’hier.
Alors que certains accessoires passent de mode (les gants, les chapeaux) et que la panoplie se réduit, le masque pourrait remporter tous les suffrages et ouvrir le champ de la création. Dissimulation, mystère, les faux visages vont-ils se réinventer et devenir le nouvel accessoire de mode incontournable, un it mask.
Histoires et itinéraires
Le terme français de masque plonge sans doute son étymologie dans le maschera italien, signifiant faux visage. Dans de nombreuses civilisations il est le plus souvent associé à la mort. Les masques funéraires accompagnent les défunt·es dans l’au-delà dans un esprit de conservation de l’âme de corps momifiés chez les Égyptiens ainsi celui de Toutankhamon, en or et pierres semi-précieuses. En Grèce, le masque funéraire dit d’Agamemnon et d’autres furent découverts à Mycènes dans des sépultures royales.
En Afrique les masques sont très présents et très prisés, ils participent à des rites agraires où les dieux sont remerciés. Ils sont aussi utilisés dans des cérémonies funéraires et initiatiques (passage à l’âge adulte). (...)
Dans tous les rites, le masque n’est pas un simple accessoire, il joue un rôle, il a une véritable existence et s’en emparer n’est pas sans danger ; s’invite ainsi la magie avec protection ou malédiction. (...)
L’étonnante exposition Disguise au musée de Brooklyn a donné carte blanche à des artistes africain·nes pour se réapproprier leurs masques dont l’Occident avait choisi d’en oublier le sens.
Dans les civilisations amérindiennes, les masques sont omniprésents (...)
Le masque est aussi très important dans les accessoires militaires, objet de protection ainsi les menpô des samouraïs affublés parfois d’une moustache pour accentuer la virilité.
Le masque mortuaire est réapparu au XVe siècle avec les rois Charles VI et Charles VII, la tradition s’est ensuite perpétuée auprès des personnalités pour fixer à jamais leurs traits. (...)
Le masque festif fut très en cour dans la noblesse et très souvent porté lors des bals avec ses modes et ses modifications ainsi l’apparition du loup qui dégagea la bouche avec des modèles noirs en soie ou en satin. Mais après la révolution le masque devint simple accessoire de travestissement utilisé surtout en période de carnaval. (...)
Rois au théâtre
Profane, le masque signe le théâtre antique avec tragédies et comédies en Grèce (à partir d’Eschyle) et à Rome avec des personnages stéréotypés : marchand, vieux, roi, femme, mais aussi des allégories, des animaux, des monstres. Ces masques dits muets qui figent les caractères ont été réalisé en cuir ou en bois.
En Italie, la commedia dell’arte s’est formalisée au XVIe siècle avec des personnages fameux aux caractères définis dans les costumes et les masques : Arlequin, Polichinelle, Pantalone, Colombine...
Le théâtre japonais les utilise aussi à profusion en maquillage très codifié pour le kabuki et en bois pour le Nôh. (...)
Le masque sanitaire
En Occident le port du masque ne fait pas partie des habitudes, quel que soit l’état de santé d’une personne, même grippée. En Asie, le masque se vit au quotidien par respect des autres. Est-ce pour cette raison que la population en Asie s’en sort mieux dans la pandémie qui menace l’humanité ?
Le masque de soin, cosmétique, a depuis quelques années le vent en poupe. (...)
Personnification, transformation
Porter un masque peut permettre aussi de devenir un autre. (...)