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le Monde Diplomatique
Le manifeste qui a failli changer l’Amérique
Article mis en ligne le 27 avril 2012
dernière modification le 25 avril 2012

Lutte contre le racisme, contre le climat idéologique de la guerre froide ou contre la société de consommation : à l’aube des années 1960, les groupes radicaux se multiplient aux Etats-Unis. Le mouvement Etudiants pour une société démocratique connaît un succès inattendu. Son manifeste, publié il y a un demi-siècle, s’est imposé comme le document de référence de la contre-culture américaine.

Port Huron, à une heure de route au nord de Detroit, juin 1962. Les Etudiants pour une société démocratique (Students for a Democratic Society, SDS) tiennent leur première convention. Le groupe radical jouera un rôle moteur au sein du mouvement contestataire des années 1960 : lutte contre le racisme, protestation contre la guerre du Vietnam et, plus largement, rupture de la jeunesse avec le consensus de la guerre froide. Ce corset idéologique paralysait les esprits et condamnait la gauche américaine, les syndicats, les Eglises et les universités à vivre dans la crainte des purges anticommunistes orchestrées par le sénateur Joseph McCarthy. Lors de sa convention, le SDS publie un manifeste au titre quelque peu grandiloquent : la « Déclaration de Port Huron » (1).

Rédigée par Tom Hayden, un étudiant de l’université du Michigan, celle-ci s’ouvre sur une prise de conscience générationnelle particulièrement tardive, empreinte de considérations apocalyptiques (lire « “Nos consciences chahutées” »). En 1962, les ravages du conflit Est-Ouest ne sont en effet plus une nouveauté. Cela fait quatorze ans que le président Harry Truman a décrété la militarisation de l’économie américaine ; douze ans que les instructeurs du Pentagone ont débarqué en Indochine ; huit ans que la botte impériale écrase les espoirs de réforme au Guatemala. (...)

Au cours des six derniers mois, le mouvement Occuper Wall Street (OWS) a essaimé ses campements à travers tout le pays, de New York à Oakland, jusqu’à leur dispersion brutale par la police. Cinquante ans après le rassemblement de Port Huron, on ne peut qu’être frappé par le manque de continuité intellectuelle et organisationnelle entre ces deux épisodes marquants de l’histoire sociale américaine. Les idées politiques du SDS s’inspiraient des premiers écrits de Marx, mais aussi de penseurs comme Frantz Fanon, Paulo Freire ou Gunnar Myrdal. Rien de tel avec OWS, sans doute parce que son émergence est intimement liée à la perte de puissance relative des Etats-Unis et au déclin de la gauche traditionnelle. Alors que les étudiants de Port Huron se voulaient des éclaireurs dans les vastes ténèbres de l’autosatisfaction américaine, les occupants de Wall Street se considèrent comme les représentants des 99 % de la population. Hier, le 1 % était l’avant-garde ; aujourd’hui, il est le pouvoir à combattre.

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