
En 1944, la communauté internationale avait élaboré un accord de commerce prenant réellement en compte la nécessité de sauvegarder l’agriculture et les ressources naturelles. C’était un "développement durable" avant l’heure. Mais en raison du décès de Roosevelt, cette Charte de La Havane ne fut pas mise en oeuvre, et l’OMC allait s’imposer.
Les négociations des États membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) se sont achevées le 7 décembre dernier par un accord appelé « le paquet Bali ». Cet accord a été salué par les responsables de l’OMC comme « un pas important vers l’achèvement du cycle de Doha ». Il aurait pour mérite de conserver un multilatéralisme plus favorable aux pays en développement que la multiplication d’accords bilatéraux. Pour autant, les questions de développement, d’emploi, de gestion des crises alimentaires et de préservation des ressources naturelles n’y sont introduites que par petites touches.
Ces petites touches sont insuffisantes si l’on veut véritablement mettre le commerce international au service du développement durable. Mais comment faire ? La solution se trouve peut être dans une charte élaborée juste après la Seconde guerre mondiale, signée mais jamais ratifiée : la Charte de la Havane, initiée lors de la conférence de Hot Springs de 1943.
Un peu d’histoire…
A l’initiative du Président Roosevelt qui souhaitait établir un nouvel ordre mondial pour une paix durable dans l’après-guerre, trois conférences furent réunies aux Etats-Unis entre les pays alliés : à Hot Springs en mai 1943 sur l’agriculture et l’alimentation, à Philadelphie en mai 1944, sur le travail et l’emploi, et à Bretton Woods en juillet 1944 sur la monnaie et la finance.
La conférence de Hot Springs était inspirée par la conviction que l’éradication de la faim et de la pauvreté est une condition de la paix. Cette conférence a produit deux effets majeurs. Elle a pour la première fois lié ressources naturelles, agriculture et alimentation dans les politiques publiques à mettre en œuvre, aux plans national et international. Elle a aussi créé une organisation internationale qui allait devenir la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) deux ans plus tard.
L’Acte final de la conférence fait référence à l’alimentation comme un droit de l’humanité, ce qui suppose la mise en œuvre d’une politique d’abondance, la gestion des ressources de l’agriculture et l’accroissement de la production des denrées alimentaires. Si elle encourage le commerce international des denrées, elle préconise aussi le paiement de prix suffisants aux producteurs, la nécessité de l’intervention directe des États « de la fourche à la fourchette », et le contrôle des fluctuations des prix des produits agricoles et alimentaires.
On est loin de l’instauration d’un marché autorégulateur. (...)