Dans son projet de loi énergie, que « Libération » s’est procuré, l’exécutif prévoit de remplacer la division par quatre des émissions de GES entre 1990 et 2050 par un objectif de neutralité carbone. Ce qui change tout.
Car en abandonnant le « facteur 4 », un objectif inscrit dans loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (Pope) de 2005, sous Jacques Chirac, confirmé en 2009 dans la loi Grenelle 1 sous Nicolas Sarkozy, puis dans la loi de transition énergétique de 2015, sous François Hollande, plus besoin de baisser drastiquement les émissions de GES du pays, donc sa consommation d’énergie. Désormais, si le projet de loi était adopté tel quel, la France pourrait continuer à consommer – voire gaspiller ? – de l’énergie et émettre des GES à foison. A condition d’atteindre la « neutralité carbone ».
Bonne nouvelle pour les énergivores (...)
De quoi ravir l’industrie des énergies fossiles, qui présente régulièrement la capture et le stockage de carbone – des technologies pas encore au point du tout – comme une solution permettant de continuer à consommer des hydrocarbures, très émetteurs de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Voilà qui risque aussi de contenter EDF, lequel met en avant la « neutralité carbone » dans sa communication, le groupe ayant lui aussi intérêt à ce que la consommation d’énergie du pays ne baisse pas trop, ce qui l’obligerait à fermer davantage de réacteurs nucléaires que ce qu’il ne souhaite.
Reculs
L’article 1er du projet de loi énergie présenté au CESE prévoit d’ailleurs de revoir à la baisse le niveau total d’économie d’énergie du pays, pour le faire passer à « 17% en 2030 » par rapport à 2012, contre les 20% prévus aujourd’hui dans la législation. A la grande joie, sans doute, des secteurs du bâtiment et des transports, particulièrement énergivores. (...)
Report à 2035 des 50% de nucléaire
Côté nucléaire, l’article 1 du projet de loi énergie confirme le report à 2035 de la réduction de la part de l’atome dans la production d’électricité à 50%, contre 2025 prévu par la loi de transition énergétique. (...)
L’avis du CESE sur ce texte est attendu pour le 27 février. Le projet de loi devra ensuite être soumis au Conseil d’Etat pour avis, avant un passage en Conseil des ministres envisagé mi-mars. S’ensuivra alors un nouveau débat sur le nucléaire au Parlement, qui promet d’être houleux. Or il faudra d’abord voter cette loi avant de définir et d’adopter la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), un texte majeur, aujourd’hui en cours de révision, qui définit la trajectoire que le gouvernement se fixe pour les dix prochaines années en matière énergétique. Ou comment repousser, encore et toujours, une réelle transition énergétique. (...)