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Le gouvernement brésilien relance la destruction de la forêt amazonienne
Article mis en ligne le 18 octobre 2017

La Renca (la Reserva Natural de Cobre et Associados) est sauvée. Cette réserve de 4,5 millions d’hectares, une superficie équivalente à celle de la Suisse, et qui est située dans l’une des régions les plus éloignées et les plus préservées du monde, pourra le rester encore quelque temps. « C’est une victoire, une grande victoire. Cela crée un précédent positif et reflète la force de la mobilisation populaire pour la défense des droits des peuples traditionnels et de la forêt », estime Felipe Milanez, professeur et chercheur en écologie politique, spécialiste des conflits environnementaux à l’Université de Reconcavo de Bahia. Le décret supprimant le statut de réserve signé par le président brésilien Michel Temer, le 23 août dernier, a finalement été annulé fin septembre (après avoir été suspendu, dans un premier temps, par la justice).

(...) Cependant, pour une région sauvée, ce sont des centaines de parcs nationaux, de réserves naturelles et écologiques et de réserves indigènes qui restent aujourd’hui menacées par des modifications de la législation. Les crises politiques et économiques qui agitent le Brésil depuis plus de deux ans deviennent des terrains extrêmement favorables à l’affaiblissement du système de protection — pourtant très imparfait — de l’environnement et de la biodiversité. (...)

Sur le plan politique, le président Michel Temer est devenu le premier fossoyeur de la richesse naturelle de son propre pays. Menacé de toutes parts par les juges pour des affaires de corruption, il monnaie les soutiens politiques des parlementaires en offrant des postes et des portefeuilles à tout-va. Michel Temer, connu pour être un homme d’appareil négociant dans la coulisse, utilise aussi sa position de chef de l’État pour vendre le patrimoine national au plus offrant.

La coalition parlementaire la plus importante et la plus puissante du Parlement brésilien est depuis longtemps la « bancada ruralista », composée de plus d’un tiers des députés, tous proches de l’agrobusiness et des entreprises minières. Ce sont ces parlementaires qui font désormais pression pour que le gouvernement réforme le code forestier, le code d’exploitation des mines et pour qu’il assouplisse les normes environnementales (« licenciamento ambiental »). (...)

Le décret controversé d’ouverture de la Renca aux entreprises minières a été signé quelques jours seulement après que les parlementaires ont « sauvé la tête » du président, début août, en votant contre l’ouverture d’une procédure de destitution. D’après le site De Olho nos Ruralistas, une organisation qui se veut un observatoire indépendant de l’agrobusiness, la moitié de ceux qui ont « soutenu » Michel Temer, faisait partie de ce lobby. La veille du vote, le président avait organisé un déjeuner avec les députés du Front parlementaire de l’agriculture et de l’élevage (FPA).

Après le tollé, la Renca est finalement sauvée, mais mi-septembre, une seconde dénonciation pour corruption était faite contre le président, par le procureur général de la République. L’un des éditorialistes du quotidien la Folha de S. Paulo, Marcos Augusto Gonçales, a commenté ainsi la nouvelle : « Temer va certainement faire une nouvelle distribution de viande aux hyènes du bas clergé parlementaire pour garantir sa survie. » (...)

Depuis son arrivée à la fonction suprême, en mai 2016, Michel Temer a déjà favorisé un grand nombre de mesures répondant aux demandes de l’agrobusiness. Le président du FPA s’en est d’ailleurs ouvertement félicité. Le gouvernement a notamment assoupli les règles concernant l’utilisation des pesticides, a amnistié les agriculteurs coupables de déforestation (seulement pour des surfaces de moins de 2.500 hectares), se prépare à ouvrir aux capitaux étrangers l’achat de terres, et surtout, n’a validé aucune nouvelle reconnaissance de territoire indigène. En tout, ce sont 13 des 17 points prioritaires de la « bancada ruralista » qui ont déjà été pris en considération, rappelle la Folha de S. Paulo. (...)

Lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU, le président Michel Temer s’est félicité devant les dirigeants mondiaux de son action pour la préservation de l’environnement. Plusieurs responsables d’organisation de défense de l’environnement se sont étranglés en entendant cette déclaration et ont accusé le président d’utiliser des chiffres erronés. « Le gouvernement utilise avec cynisme la post-vérité, en faisant croire que tout va bien, que tout est sous contrôle, alors que règnent le chaos, la violence et la destruction », relève Felipe Milanez, qui dit s’être senti indigné et gêné par cette attitude. (...)