
Reporterre révèle que le gouvernement entérine la privatisation de l’office public chargé des forêts : ses agents pourront de plus en plus être de droit privé. Cette mesure capitale affaiblira leur pouvoir de protection des forêts. C’est un nouveau recul, alors même que le changement climatique exige une attention accrue pour les massifs français.
C’est un nouveau coup porté au service public forestier. Mercredi 22 janvier, une rencontre a eu lieu entre la direction générale de l’Office national des forêts (ONF) et les organisations syndicales représentant les personnels de droit public. Au cours de la réunion, il a été expliqué aux syndicalistes que le gouvernement présenterait en Conseil des ministres, en février prochain, un projet de loi d’habilitation sur « la modernisation de la Fonction publique ».
Une fois cette loi votée, le gouvernement pourra prendre des mesures par ordonnance dans un délai d’un an. Selon le compte-rendu de Synergie FO, présent lors de la réunion, des modifications législatives seront prévues spécifiquement pour l’ONF. « Leurs conséquences pourraient être dramatiques, disent à Reporterre les syndicalistes. Elles entérineraient le processus de privatisation en cours. » (...)
Depuis plusieurs années, le service public forestier se fait progressivement démanteler Des 15.000 salariés que comptait l’office en 1985, il en reste moins de 9.000. La baisse des effectifs s’est couplée à « une crise de sens ». De nombreux gardes forestiers dénoncent une gestion productiviste à court terme qui transforme les forêts publiques en « usines à bois ».
Mercredi 22 janvier, une nouvelle étape a été franchie, mettant en péril les fondements mêmes de l’établissement public. Le gouvernement prépare une modification du Code forestier pour permettre aux salariés de droit privé d’effectuer des missions identiques à celles des fonctionnaires. Le nombre de fonctionnaires diminuerait alors au profit des contractuels, qui vont devenir majoritaires au sein de l’Office. (...)
En exclusivité, Reporterre révèle un document interne de l’ONF qui décrit et précise la stratégie du gouvernement. (...)
La privatisation en cours est insidieuse. « Symboliquement, le gouvernement a choisi de ne pas changer le statut de l’établissement public, mais en le vidant de ses fonctionnaires, le résultat est le même », analysent des syndicalistes de la CGT Forêt. L’objectif visé par le gouvernement est clairement financier. Du fait des cotisations sociales, l’embauche d’un fonctionnaire coûte environ 20 % plus cher qu’un contractuel. « Les autorités prônent une gestion forestière à bas coût et à court terme, au détriment de l’intérêt général », estiment les mêmes syndicalistes.
« Le service public forestier meurt à petit feu »
En parallèle des annonces de contractualisation, le gouvernement souhaiterait aussi continuer à diminuer le nombre de postes, « en ne renouvelant pas certains départs à la retraite ». Selon un autre document interne que Reporterre a pu se procurer, entre 2018 et début 2020, 611 postes, tous statuts confondus, ont été supprimés. (...)
Cette politique est d‘autant plus terrible qu’elle est contraire aux nécessités induites par le changement climatique, qui commence à faire sentir ses effets sur les forêts françaises et le fera de plus en plus. (...)
Contre la future réforme, des assemblées générales de travailleurs vont s’organiser la semaine prochaine partout en France. Les forestiers imaginent plusieurs formes d’actions et pourraient se mettre en grève. (...)