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Le géant pétrolier Chevron, qui a saccagé l’Amazonie, échappe à la justice
Texaco – Et pourtant nous vaincrons , de Sophie Tardy-Joubert, Pablo Fajardo et Damien Roudeau, éditions Les arènes, mars 2019, 136 p., 20 €.
Article mis en ligne le 19 avril 2019
dernière modification le 18 avril 2019

Le 14 février 2011, la compagnie pétrolière américaine Texaco (TexPet) dont les dirigeants avaient exploité le pétrole pendant 23 ans dans la région de l’Oriente, au nord de l’Équateur, a été condamnée par le juge équatorien Nicolas Zambrano à payer 9,5 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros) pour réparer la pollution et les dommages causés aux populations locales, les Afectados. Cette condamnation a été confirmée par tous les niveaux de la justice équatorienne jusqu’à la Cour constitutionnelle en 2018. Le montant des dommages atteint aujourd’hui pour Chevron – la firme qui a absorbé Texaco [1] – environ 12 milliards de dollars (près de 11 milliards d’euros), avec les intérêts.

Mais l’affaire n’est pas close. Or, ce gigantesque litige ouvert en 1993 est crucial pour la justice environnementale partout dans le monde. Steven Donziger, l’avocat américain des Afectados qui ont fait condamner la société en 2011, estime dans une vidéo diffusée en juillet 2018 sur Telesur que :

La société a tellement dévasté les endroits où elle s’est livrée à l’extraction qu’elle risque d’être poursuivie pour des dommages et intérêts de plus de 1.000 milliards de dollars si toutes les populations lésées les attaquaient comme l’ont fait les Équatoriens. »

Inversement, si Chevron réussissait à échapper au verdict de la cour équatorienne, cela créerait un précédent que toutes les multinationales pourraient utiliser pour se libérer de leurs responsabilités environnementales partout dans le monde, déniant aux citoyens affectés leurs droits fondamentaux à une vie saine et libre.
Pendant trente ans, la compagnie pétrolière Texaco a exploité l’or noir de l’Équateur (...)

en 1998, après un semblant de nettoyage, une relaxe totale à la compagnie dégagée de toute responsabilité lors de son départ du pays. Ce gouvernement avait signé en 1993, un Traité bilatéral d’investissement avec les États-Unis. Le nouveau gouvernement de Rafael Correa, élu en 2007, a changé d’attitude et annulé ce Traité en 2017.

Mais Chevron a jusqu’ici réussi à ne s’acquitter ni de sa dette, ni de ses obligations morales, diabolisant les plaignants, leurs avocats, attaquant tous ceux qui les soutiennent, et même l’État équatorien, au terme de ce traité commercial. C’est l’un des plus longs dénis de justice mondiaux.
Les mille stratégies juridiques de Chevron pour ne pas s’acquitter de sa dette (...)

L’une des manœuvres de Chevron pour ne pas s’acquitter de sa dette envers les Afectados, a été de les accuser de tentative d’extorsion devant un tribunal newyorkais. Chevron a aussi obtenu en 2014 du juge Lewis Kaplan une décision qui empêche de faire exécuter le jugement équatorien aux États-Unis pour cause de supposée corruption du juge Zambrano (...)

Après de longs palabres, les trois arbitres de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye ont décidé, fin août 2018, non seulement d’obliger l’Équateur à annuler les jugements qui condamnent Chevron à financer le nettoyage de la région et à participer aux coûts des soins de santé indispensables, mais aussi à payer à la multinationale des dommages et intérêts dont le montant n’est pas encore connu. (...)

Les procès se multiplient pour punir les avocats qui défendent des communautés face à des entreprises (...)

Le gouvernement de l’Équateur, qui n’est plus dirigé par M. Correa depuis 2017, cherche à se concilier les dirigeants de Chevron dont le pouvoir de nuisance est énorme sur un si petit pays.