
Le « développement durable » prétend concilier développement économique, justice sociale, et préservation de l’environnement. On le sait, ce concept est aujourd’hui totalement perverti. Pollué dès sa création par l’idéologie de la croissance et asservi par le capitalisme, il est utilisé comme outil de communication par les gouvernements et les entreprises afin d’améliorer leur image et de légitimer un système qui n’envisage nullement de se réformer. Pouvoir produire et consommer toujours plus en polluant toujours moins est un formidable booster de croissance : le monde merveilleux et propre des vidéos publicitaires déculpabilise notre « cerveau disponible », nous le valons bien.
A l’approche de la COP 21, cette notion est évidemment particulièrement utile.
Contraignant la langue, détournant le sens des mots, falsifiant les concepts, elle en devient presque magique, éteignant d’elle-même toute velléité de contestation et permettant à la pensée unique de se déployer tranquillement.
Utilisée à des fins de propagande dans toutes les situations, au mépris du sens commun et du simple bon sens, elle met en lumière l’essence totalitaire du néolibéralisme et l’obscurantisme des falsificateurs.
Ainsi, la soixantaine de ministres conviés le dimanche 8 novembre à se rendre sur le chantier du Bourget, destiné à accueillir la conférence climatique, auront-ils, sans doute, pu apprécier son « format de développement durable ». Ces visiteurs du dimanche n’ont certainement pas croisé les nombreux travailleurs détachés en provenance d’Europe de l’Est dont un reportage récent de France 2 dénonçait les conditions de travail ne respectant pas la règlementation sociale française.
Ainsi, Manuel Valls peut-il déclarer, sans gêne, que le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes est « nécessaire sur un plan économique pour le Grand Ouest » et « bon pour l’environnement », sans doute pour lutter contre l’artificialisation des sols et la transition agro-écologique des territoires, prévues dans la nouvelle Stratégie nationale de développement durable adoptée cette année pour la période 2015-2020.
Nos socialistes libéraux ne veulent surtout pas contraindre mais au contraire libérer les entrepreneurs, en espérant benoîtement que le pacte de responsabilité passé avec eux les incitera à respecter l’environnement , à embaucher, et accessoirement à distribuer quelques miettes de valeur ajoutée aux travailleurs . C’est un pari vain et stupide. Sous un régime de capitalisme financier, le développement durable ne peut être qu’une mystification et les socialistes s’emploient désormais à perpétuer et à amplifier ce mythe.
Manuel Valls est sans doute la figure la plus représentative de la dégénérescence du PS et d’une pensée politique qui s’est dissoute dans l’idéologie libérale. La volonté émancipatrice du socialisme des débuts s’est évanouie pour laisser place à la résignation et au respect de l’ordre imposé par le marché. Une foi aveugle, irréfléchie, dans le progrès techno-scientiste laissé au libre-arbitre des entreprises tient lieu de ligne politique. Le PS est désormais un rassemblement de technocrates qui gèrent servilement des budgets sous contraintes et dont la parole est codée, mécanique, avec des éléments de langage mensongers ou trompeurs.
A l’occasion de la préparation du vote du budget, les commentateurs politiques ont relevé le cafouillage et les incohérences, voire les impasses, d’un budget qui, en multipliant les aides aux entreprises, n’a plus les moyens d’assurer les aides sociales minimum. Le développement durable capitaliste nuit clairement au développement social. Mais, à quelques semaines de la COP 21, il serait grand temps de relever aussi les conséquences dramatiques d’un développement économique non maîtrisé et non règlementé sur l’environnement. Le « format développement durable » du capital n’est pas soutenable.