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« Le coût de la virilité »
/ ELFO Etude Libertaire
Article mis en ligne le 31 mai 2022

« Le coût de la virilité » est un ouvrage de Lucile Peytavin publié cette année aux éditions Anne Carrière. Elle s’interroge sur les coûts des comportements virils, c’est-à-dire combien coûte les comportements asociaux liés à une éducation viriliste qui promeut la force, le goût du danger et de la domination tout en occultant ses émotions et l’impact de ses actions sur les autres. En d’autres termes, combien la société économiserait-elle si les hommes se comportaient comme des femmes ?

Tout cela peut paraître bien capitaliste, vouloir tout calculer et résumer les interactions humaines par des simples coûts et bénéfices, des formules mathématiques et autres validismes scientifiques.

L’auteure a joué le jeu du capitalisme pour faire comprendre à ceux qui sont partisans de la virilité qu’il n’est pas dans leur intérêt personnel de la faire perdurer dans le temps. (...)

C’est un ouvrage qui semble directement destiné aux hommes, pour nous faire comprendre le danger de notre éducation masculine, car cet ouvrage sort des chiffres, des analyses, qui pourraient paraître banales pour des femmes. Des femmes qui chaque jour connaissent la violence du patriarcat et du virilisme, des comportements « déplacés » pour ne pas dire dangereux et obséquieux envers les femmes. Chaque jour elles sont rappelées à leur statut « inférieur », à la femme-objet, la femme du désir de l’homme, qui ne s’appartient pas à elle mais à autrui. Qui n’existe pas pour elle mais pour le foyer, tourner toujours vers les autres, comme si elle était un simple objet fonctionnel. Tantôt Magimix, tantôt aspirateur autonome ou lave-vaisselle, voire même vaginette. (...)

Il n’y a qu’a constater la place de la femme dans les médias et sa surreprésentation dans les publicités promouvant les produits ménagers. (...)

En tant qu’homme, je n’ai pas beaucoup de légitimité à en parler, je reconnais mes privilèges et la chance que j’ai eu de naître dans ce corps accompagné du « pouvoir phallique », celui d’être le dominant des rapports de genre.

Bourdieu en parlait déjà si bien dans « La domination masculine » quand il étudie la société Kabyle et la femme vue comme une valeur « symbolique », une monnaie d’échange entre les familles, assurant des alliances et la reproduction de leur capital symbolique par les femmes, résumé à leur utilité procréatrice, à leur tenue du foyer. C’est ce qu’explique Bourdieu, quand la femme perd sa « pureté », c’est-à-dire quand il y a acte sexuel avant le mariage, c’est tout l’honneur de la famille qui est attaquée. Donc la valeur symbolique de cette dernière. C’est pour ça que le viole a été utilisé en temps de guerre, plus que de répondre à de basses envies ; il est le moyen de démontrer sa supériorité sur l’autre, de s’accaparer l’essence de l’autre.

Mais est-ce que cette domination de genre, ce rapport entre genre nous est vraiment favorable en tant que homme ? C’est la question que l’auteure veut qu’on se pose. (...)

Qu’est-ce qu’être viril ? La première définition commune que l’on trouve, c’est « qui est propre à l’homme, au sexe masculin », « qui est relatif à l’homme adulte » et synonyme d’énergie, de fermeté mais toujours profondément ancré dans ce rapport de genre. Il ne peut être qu’utiliser pour un homme. Une femme n’est pas virile par essence selon ces définitions car la virilité, c’est l’homme.

Mais alors qu’est-ce qu’un homme ? (...)

Être viril, c’est être un dominant. Vouloir garder l’esprit de « virilité », c’est accepter pleinement des rapports de genre asymétrique, une société inégalitaire où la domination se fait par la force. La loi du plus fort n’est pas si loin quand on l’évoque. (...)

L’auteur rappelle, tout comme Bourdieu avant elle, l’importance de la reproduction sociale dans la genèse de ces comportements.

La virilité n’est pas une caractéristique inéluctable du sexe masculin, se résumant à quelques soit disant faits biologiques et à l’importance de la testostérone. Elle casse ce mythe et le déconstruit en rappelant l’importance de la construction sociale genrée, en premier lieu dans la première instance de socialisation primaire, la famille et ensuite dans les pairs. (...)

Ce livre est une arme contre les mâles qui voudraient « affirmer leur masculinité » et qui utilise leur discours pseudo-scientifique pour affirmer que la femme est naturellement inégale à l’homme, et qu’il est donc normal que la femme ne soit pas payée à la même hauteur pour le même emploi, ou que ce soit sur elle que échoue les tâches ménagères. (...)

Dans la même veine, je vous invite aussi à découvrir l’ouvrage de Mona Chollet, « Sorcières, la puissance invaincue des femmes ». (...)