
Jeudi 10 septembre 2015, le tapis vert a été déroulé pour des centaines d’invités de tous horizons, réunis sous les ors de la grande salle des fêtes de l’Elysée. Le maître des lieux goûte sans doute la solennité de ces instants, prémices de moments encore plus glorieux. La campagne de communication destinée à afficher « la mobilisation de l’équipe France dans la dernière ligne droite » avant la Conférence climatique de Paris du mois de décembre est lancée avec éclat et ostentation.
La France s’engage pour le climat. En avant la COP 21 ! » : il faut que cela se sache et les projecteurs doivent être braqués sur cet évènement international qui permet à François Hollande, en grand ordonnateur, de jouer le tout premier rôle et de renforcer son image d’homme d’Etat dans un domaine qui engage « l’avenir même de notre continent et de l’humanité ».
Mais ce battage médiatique n’informe pas les citoyens sur les enjeux réels et les dessous d’une négociation qui restent largement inconnus du grand public. Et le gouvernement ne semble pas réellement décidé à faire œuvre de pédagogie et à éclairer des français qui sont par ailleurs interpellés et préoccupés en permanence par d’autres sujets tels que le chômage ou l’insécurité.
A l’occasion de ce lancement, ni Manuel Valls ni François Hollande n’ont jugé souhaitable de jeter de la lumière sur l’ombre des négociations commerciales menées entre l’Union Européenne et les USA en vue de la signature du traité « TAFTA ». Alors même que la pétition anti-TAFTA a recueilli plus de 2 millions et demi de signatures, les discussions continuent à avancer en toute opacité et dans un déni de démocratie total puisque les élus européens n’exercent aucun contrôle sur les négociateurs.
Pourtant, ce traité de libre échange, s’il est signé, et notre Président souhaite qu’il le soit rapidement, aura des répercussions particulièrement dommageables sur notre environnement et notamment sur les émissions de gaz à effet de serre en ouvrant la voie aux importations US d’hydrocarbures issus de la fracturation hydraulique ainsi qu’ aux multinationales spécialisées dans l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste (1).
Car l’enjeu du TAFTA est bien de faciliter le libre-échange des biens et services industriels entre les deux continents en harmonisant par le bas les lois, les règlements, les procédures, dans le domaine environnemental mais aussi dans le domaine sanitaire et social. C’est dans l’air du temps, compétitivité oblige !
Alors que les engagements pris la main sur le cœur lors de la COP 21 ( en cas d’accord) ne seront tout au plus que des déclarations de bonne volonté, des résolutions non contraignantes, le traité TAFTA, comme tout traité international, appliquera sa loi d’airain aux Etats signataires, placés sous la menace de recours devant des tribunaux arbitraux. Les Etats mais surtout les citoyens supporteront le coût de la recherche du profit maximum pour les entreprises.
L’écologie, c’est le leitmotiv de Ségolène Royal, « ne doit pas être punitive ». Ce n’est pas une contrainte mais une opportunité de business et d’adaptation favorable à l’emploi. Une morale de la responsabilité doit permettre d’encadrer les intérêts privés, de limiter la rapacité, de freiner l’âpreté au gain ; il ne faut rien imposer par la loi. Il s’agit d’ailleurs là d’une logique générale : la volonté gouvernementale de simplifier le droit du travail, de privilégier notamment les accords d’entreprises au détriment de la loi générale, s’inscrit dans ce vaste mouvement de recul des protections publiques et d’ajustement aux nécessités entrepreneuriales.
Peu à peu, le droit public doit s’effacer devant le droit privé, le droit des affaires. L’Etat laisse le champ libre à une économie de marché, régulée et arbitrée en fonction des dommages, le contrôle s’exerçant a posteriori.
Dans le domaine environnemental, les externalités, les dégradations, ne sont pas toujours immédiatement perceptibles. Les multinationales peuvent détruire la planète en communiquant sur le développement durable et en sponsorisant la COP 21.
Ainsi, malgré le réchauffement global et les signaux d’alerte d’une nature qui commence à se rebeller, l’économie monde continue à naviguer dans les eaux froides du calcul égoïste.
Dans la course au profit stimulée par les traités de libre-échange comme le TAFTA, les entreprises sont à la fois les maîtres d’œuvre et les passagers clandestins (selon le modèle du socio-économiste américain Mancur Olson) : elles en touchent les dividendes sans en payer le prix. Les coûts sociaux et environnementaux sont à la charge des citoyens et notamment des plus pauvres, avec l’assentiment du contrôleur François Hollande.