
Quand en 2013, les nettoyeuses du ministère des Finances ont perdu leur emploi du jour au lendemain, elles ont vite compris que le ménage que la Troika avait imposé à la Grèce avec les plans d’ajustement structurels (memorandum), pour « sauver le pays » signifiait, mettre à la poubelle les plus vulnérables, une grande majorité de femmes (62,8% des femmes étaient alors au chômage).
Des manipulations financières avaient gonflé les dépenses publiques, comme l’a montré le rapport de l’audit de la dette grecque publié en juin 2015, pour justifier la sous-traitance d’emplois publics et ainsi promouvoir la précarisation du travail. Les nettoyeuses, femmes qui ne comptaient pas, ont opposé une force et une solidarité sans faille. Leur lutte est devenue emblématique. Elles ont repris le travail mais l’affaire n’est pas complètement classée, car le gouvernement grec a reculé face au diktat de la Troïka en signant le troisième memoranda. (...)
Sevasti Ainaloglou et Eirini Kotefa ont fait partie du groupe des nettoyeuses de Thessalonique. Nous les avons rencontrées à la Maison des Femmes.
Comment a débuté le mouvement des femmes de ménage de Thessalonique ?
On nous chassait, nous allions perdre notre emploi ! Nous savions que nous étions dans notre droit. Pourquoi chasser des femmes de 40 à 50 ans, pour la plupart à la tête de foyers monoparentaux et avec de sérieux problèmes financiers, pour sous-traiter l’entretien à des sociétés de nettoyage ? En vérité, il était question de privatiser tout le secteur de nettoyage du ministère.
C’est à ce moment-là que nous avons pris contact avec nos collègues d’Athènes pour voir comment nous allions mener ce combat. (...)
Nous avions du mal à voir comment nous allions pouvoir « porter » les revendications de toute une société. C’était vraiment très difficile…
A Athènes comme à Thessalonique, nous avons mené des actions de pair avec d’autres mouvements sociaux. Nous n’étions pas les seules personnes à avoir été licenciées au cours de l’année 2014 !
A Thessalonique nous avons organisé des luttes communes avec les mouvements sociaux du secteur public : les gardiens d’écoles, le corps enseignant, mais aussi avec le secteur privé : les grévistes de Coca Cola par exemple. Cela s’est fait très vite. Nous nous sommes jointes à de nombreuses manifestations à très forte participation citoyenne. Nous n’étions plus seules.
Au cours de la visite du secrétaire général du ministère des Finances à Thessalonique, nous avons organisé une grande protestation, et de très nombreuses personnes nous ont soutenues, en particulier les femmes de la Maison des Femmes avec lesquelles nous avons alors fait connaissance !
Nous nous sommes toujours mêlées également aux très nombreuses manifestations qui ont eu lieu à l’époque à Athénes. (...)
Le combat des femmes de ménage a-t-il eu gain de cause ?
Nous nous sommes retrouvées devant la justice et nous avons gagné devant le premier tribunal, la Cour ayant décidé « que nous devions retourner à nos postes. »
Bien sûr le Ministère ne nous a pas réembauchées tout de suite, demandant à ce que ce jugement repasse en deuxième instance. Depuis, ce deuxième jugement a constamment été repoussé. Tout d’abord au mois de septembre 2015, maintenant au mois de mai 2016.
Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons subir ces désagréments, nous déplacer à nos frais pour être présentes au tribunal…mais nous commençons à avoir l’habitude de toutes ces tracasseries. Et surtout nous ne nous laissons pas abattre. Nous sommes toutes retournées à nos postes de travail depuis juillet 2015. C’est ce qui pouvait nous arriver de mieux et c’est une satisfaction énorme, même si nos revenus ont baissé puisque nous faisons beaucoup plus d’heures qu’avant pour le même salaire. Mais nous ne nous plaignons pas, car le pays traverse une période extrêmement difficile. (...)
Nous soutenons les femmes qui en ont besoin et nous participons activement à l’aide portée aux immigré-e-s. Les femmes de la Maison des femmes font des paquets de vivres et de vêtements qu’elles amènent par leurs propres moyens jusqu’à la frontière. Nous voulons participer, soutenir. Nous avons nous-mêmes été soutenues par la Maison des Femmes et voulons offrir en retour ce que nous avons reçu.