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Le Parlement européen autorise les constructeurs automobiles à polluer plus
Article mis en ligne le 4 février 2016

Les eurodéputés ont autorisé le 3 février les véhicules diesel à émettre deux fois plus de gaz polluants que ne l’autorisent les dernières normes. Une décision dictée par un « comité technique » dont personne ne connaît la composition.

D’après les chiffres avancés dans ce document de la commission Environnement et santé publique, la pollution de l’air cause environ 430.000 décès prématurés par an dans l’Union européenne, en raison de ses impacts sur la santé des Européens. Les NOx, principaux polluants émis par les moteurs diesel, provoquent cancers, asthme et maladies respiratoires.

« Les constructeurs ont déjà eu presque dix ans pour s’adapter aux nouvelles normes » (...)

Cette décision intervient alors qu’un nouveau protocole d’homologation, baptisé Procédure mondiale harmonisée d’essai pour les véhicules légers (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures, WLTP), et comprenant un test en conditions réelles, devrait être instauré dans l’Union européenne en septembre 2017. En effet, le cycle NEDC, test d’homologation en laboratoire entré en vigueur dans les années 1970, « n’est pas représentatif des émissions des véhicules lors de leur usage réel, ce qui conduit à sous-estimer, entre autres, les émissions de NOx des véhicules Diesel », estimait l’Ademe en juin 2014. Les écarts constatés sont de l’ordre de 40 %. (...)

Karima Delli, membre Verts-ALE de la commission Transports et de la commission d’enquête sur les infractions à la législation relative aux émissions polluantes du secteur automobile, n’entend pas en rester là : « Nous étudierons les moyens de saisir la Cour européenne de justice pour non-respect des normes. » Pour l’eurodéputée, « le vote [du mercredi 3 février] est une faute politique et une occasion manquée pour le Parlement de mettre son veto à une décision à la fois illégale et antidémocratique ».

En effet, la Commission européenne proposait à l’origine des autorisations de dépassement plus restrictives : 60 % à partir de 2017. Mais la réglementation a finalement été rédigée par un comité d’experts mis en place en 2011 à Bruxelles, le Technical Committee on Motor Vehicles (TCVM), dont la composition n’est pas connue. « J’ai demandé à la Commission européenne quelle était la composition du TCMV, et de me fournir les comptes rendus de ses réunions ainsi que le relevé des conclusions. Il nous a été répondu tout à l’heure que le compte rendu serait disponible dans quinze jours ; surtout, notre interlocuteur nous a fait savoir qu’il n’était pas autorisé à diffuser la liste des participants à ce comité – ce qui pose un problème de transparence », soulignait le 3 novembre 2015 Delphine Batho, en sa qualité de rapporteure de la mission d’information sur l’offre automobile française, à l’Assemblée nationale. (...)

Suite au scandale Volkswagen (11 millions de véhicules diesel du constructeur allemand équipés d’un logiciel capable de fausser les résultats des tests antipollution), d’autres processus européens devraient quand même contribuer à renforcer les contrôles antipollution.

Le 27 janvier, la Commission européenne a proposé un règlement visant à durcir les conditions d’homologation de son parc automobile. Cette « proposition de règlement relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur » représente une réforme substantielle de la directive de 2007 en donnant de nouveaux pouvoirs : (...)

Le projet de règlement a été transmis au Parlement européen et au Conseil pour adoption. Elzbieta Bienkowska, la commissaire qui porte le projet, espère une mise en œuvre d’ici fin 2016. (...)

Par ailleurs, une commission d’enquête sur le scandale Volkswagen a été mise en place par le Parlement européen à la demande de Mme Delli. Composée de 45 membres nommés au prorata des groupes politiques au Parlement, cette commission d’enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l’automobile (Emis) se réunira pour la première fois le 15 février. (...)

« Nous voulons briser l’omerta dans le secteur automobile, déclare Mme Delli. On ne peut pas laisser les entreprises frauduleuses enquêter sur elles-mêmes. » La commission rendra un premier rapport au bout de six mois d’enquête, et son rapport final au bout d’un an.