« L’écologie du XXIe siècle sera patriote ou ne sera pas », clame le collectif Nouvelle écologie. Avec la naissance de ce cercle de réflexion, le parti d’extrême droite s’aventure sur les questions environnementales. Attention à la marche.
Au Front national, l’écologie n’est plus « la nouvelle religion des populations urbaines aisées bobos-gogos », que raillait Jean-Marie Le Pen en 2010. Depuis le 10 décembre dernier, elle est un sujet de réflexion. Après des décennies à présenter un programme écologique se résumant à « la préservation de la faune, de la flore et des paysages », le parti a annoncé en grande pompe la création de son collectif Nouvelle écologie. Au sein de ce quatrième cercle de réflexion ouvert à tous les membres du Rassemblement Bleu Marine, l’écologie sera « réaliste et patriote ». Mais encore ? Pour en savoir plus sur la recette qui mijote au fond de la marmite verte du FN, Terra eco a passé au crible les prises de position de quelques cadors du parti. Bévues garanties.
1. Fluidifier le trafic… réduit la pollution atmosphérique
L’ozone et les particules fines ne résisteront pas à Wallerand de Saint-Just. Pour le candidat déçu à la mairie de Paris, « c’est en fluidifiant le trafic et le stationnement que l’on luttera efficacement contre la pollution ». Dans un billet publié le 6 janvier, sur le site du Front national, il brocarde « l’incompétence de la municipalité » face au pic de pollution qui sévissait alors et propose « une augmentation significative du nombre de places de stationnement, permettant aux résidents de se garer facilement, sans tourner pendant des heures, et donc sans polluer pendant des heures ». Le trésorier du Front national voit dans cette fluidité retrouvée – encore renforcée par la suppression des horodateurs et la synchronisation des feux de circulation – la seule action susceptible de libérer nos poumons. « Toutes les autres politiques ont été des échecs, quand elles n’ont pas été simplement des prétextes », assène-t-il.
Il suffirait donc de 35 000 places de parking de plus pour que Paris respire. La corrélation laisse ingénieurs et économistes sceptiques. (...)
le FN n’a aucune envie de calmer le trafic. « Il faut vivre avec son temps et avec le progrès technique, rétorque Wallerand de Saint-Just. Si l’homme a créé la voiture et que nos usines en fabriquent autant, il faut permettre aux gens de bouger avec. » Selon lui, la meilleure des politiques serait d’« arrêter d’emmerder le monde », puisque de toute façon, « les choses s’améliorent d’elles-mêmes, toutes seules. (...)
Marine Le Pen ne dit pas autre chose : « Notre écologie, ce n’est pas de harceler, d’assommer l’automobiliste », clamait-elle lors du discours d’inauguration du collectif Nouvelle écologie.
2. Le protectionnisme, seule vraie arme pour défendre la nature
A en croire la présidente du FN, l’écologie est déjà inscrite dans l’ADN de son parti. « Quand on est patriote, on est écolo ; quand on est mondialiste, on ne peut pas être écolo », a-t-elle soutenu le même jour. Pour préserver la planète, rien de tel que le repli sur soi. Un crédo que partage Florian Philippot, vice-président du parti et farouche partisan d’un « protectionnisme intelligent ». « La vraie arme pour défendre la nature et la santé des hommes, ce sont les droits de douane ciblés sur les produits fabriqués dans des pays qui ne respectent aucune norme environnementale », écrit-il dans un communiqué.
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: « Tout miser sur le protectionnisme revient à considérer que les atteintes à l’environnement, c’est la faute des autres », note Arnaud Parienty. De fait, avec le FN, seuls les pollueurs étrangers seraient taxés. Dans l’Hexagone, Marine Le Pen « souhaite rompre avec l’écologie punitive, cette écologie qui vous dégoûte d’elle même et ne fait avancer aucune cause, déclarait-elle lors du lancement du collectif. Notre écologie ne consiste pas à multiplier les taxes ». Dernier problème posé par les droits de douane ciblés : celui de l’efficacité. « La mesure aura une portée si elle est prise à une grande échelle, au niveau du marché européen. Un accès restreint au marché français ne suffira pas à faire changer les pratiques des multinationales » estime Arnaud Parienty.
3. Une réponse « nécessairement locale et nationale »
Le nouveau Monsieur Ecologie du FN, Philippe Murer, balaie d’un revers de main les propositions de ses acolytes. Pour lui, la place de la voiture en ville « n’est pas un questionnement », puisque « d’ici à vingt ans, tout le monde roulera à l’hydrogène ». Quant au protectionnisme intelligent, « il faut qu’on en discute plus, mais la vraie arme, ce ne sont pas les droits de douane ». Au milieu de débats qui s’annoncent houleux, un point au moins fait consensus : la question écologique sera traitée par des décisions nationales. « Le cœur de notre politique écologique, ce sera un investissement massif sur les énergies renouvelables, rendu possible grâce à une banque centrale et une monnaie nationale », détaille Philippe Murer. Ainsi, ces mêmes « énergies vertes » jugées « pas réalistes en l’état » dans le dernier programme du FN, servent aujourd’hui à justifier une sortie de l’euro.
En matière d’environnement, Marine Le Pen considère qu’« on agit efficacement et de manière réaliste à partir de ce que qui existe, c’est à dire les Etats-nations » et fustige l’action des « organismes supranationaux hors contrôle (…) On a déjà un parfait laboratoire de ces dérives avec l’Union européenne ». Pour sa part, le collectif Nouvelle écologie brocarde les sommets internationaux. « CopLima : échec prévisible », lisait-on sur son compte Twitter au lendemain du sommet onusien. Toute solution supranationale serait-elle donc vaine ? A l’Ineris, Laurence Rouil travaille justement à déterminer le niveau de décision le plus pertinent pour lutter contre la pollution. Sa conclusion est sans appel : « L’échelle européenne, avec ses directives et règlements, est extrêmement efficace pour faire baisser le niveau de fond de la pollution. » Or, l’ozone et les particules se déplaçant sur de très grandes distances, « c’est justement sur ce niveau de fond qu’il faut jouer pour être pertinents », poursuit la chercheuse.
La logique est la même pour le climat. (...)