
« On est très contents de la réintroduction, cela fait 20 ans qu’on l’attend », commente Marc Peyrusqué, berger croisé lors de sa transhumance par Etsaut, en vallée d’Aspe. Il ne nourrit pas de crainte pour la vie de ses 250 chèvres et brebis, qui transitent entourées de chiens et de bénévoles en gilets jaunes jusqu’à leur prochain pâturage. « Pour un berger qui garde ses brebis avec des patous [chiens protecteurs des troupeaux] il n’y a qu’ 1 % de pertes quand un éleveur qui les laisse sans protection peut avoir jusqu’à 15 % de pertes », fait-il valoir. « Ils ne veulent pas faire l’effort de protéger leurs troupeaux et on devrait accepter la disparition du dernier animal sauvage des Pyrénées », s’étrangle Elisabeth Médard, maire d’Etsaut.(...)
Les opposants à l’arrivée des ourses, parmi lesquels de nombreux éleveurs, ont procédé à une démonstration de force sur la commune d’Etsaut cet été. Ils ont déversé du sang et exhibé des bêtes mortes, débarquant à 180 dans les rues de la petite commune de 70 habitants dont la maire Elisabeth Médard s’est déclarée ouvertement favorable au renforcement de la population d’ours. « C’est une décision d’Etat, nous, comme d’autres bergers, on est favorables mais on ne décide pas », tient-elle à rappeler.(...)
D’autres ont des avis moins tranchés, attendant de voir comment va se passer la cohabitation : « je suis plutôt favorable à l’ours mais il faut aussi considérer qu’il y a moins de territoires sauvages, on a des stations de ski partout maintenant, et beaucoup d’activités humaines », estime ce commerçant qui travaille dans le tourisme, en vallée d’Aspe.
« L’argent de l’ours »
« Depuis 25 ans, il y a des aménagements pastoraux grâce à l’argent de l’ours [des aides publiques], ce serait donc un manque de respect par rapport aux contribuables de ne pas essayer », estime de son côté un jeune paysan et chasseur de la vallée d’Aspe. Les aides liées au renforcement de la présence de l’ours permettent aussi aux bergers d’employer des jeunes pour leur prêter main-forte. « Cela nous aide pour payer 80 % du salaire d’une fille bergère qui travaille avec nous », confirme le berger Marc Peyrusqué.
« Ici, il y a une mainmise sur le foncier et les jeunes vont plutôt vers le tourisme, constate le jeune paysan et chasseur. Je pense qu’il aurait fallu évaluer, lors de la concertation, les bénéfices de ces réintroductions sur le reste de l’activité économique et pas que sur l’agriculture. » La réussite de la cohabitation dans les Asturies donne à réflèchir à ces montagnards.