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Le Monolecte
La vie d’artiste
Article mis en ligne le 4 avril 2018
dernière modification le 3 avril 2018

(...) Je suis d’autant plus agacée par la déconsidération économique dont souffrent les activités artistiques que, généralement, ceux qui s’étonnent toujours de ce que nous, les artistes, ne fassions pas plus d’efforts en rognant sur nos émoluments pourtant déjà bien comprimés par la rationalité économique ambiante, sont généralement des gens qui sont plutôt à l’abri de tout ce que le travail peut avoir de précaire, insécurisant, violent et paupérisant.

Et je ne comprends pas, personnellement, comment un salarié assuré de sa rente mensuelle peut se permettre de me demander de sacrifier la moitié ou les deux tiers de mon revenu, sous prétexte que le projet à venir serait particulièrement intéressant ou de nature à me mettre en valeur. Lui-même, consentirait-il à abandonner une part significative de son salaire pour soutenir une idée, un ami ou même un service communautaire ?

Bien sûr que non. Parce que le salarié, lui, il a des charges. Entendez la famille, les emprunts sur la maison, la voiture, la cagnotte pour les vacances, les études des gosses, la maison de retraite des parents, les factures, le nouveau canapé… et il a parfaitement raison. C’est juste qu’il a l’air de complètement lui échapper que l’artiste, en face de lui, a exactement les mêmes contraintes, les mêmes charges, les mêmes factures, qu’il ne bénéficie pas d’un hypothétique tarif bohème pour satisfaire EDF, le proprio, la cantine des gosses, la facture de l’épicier, mais qu’en plus, s’ajoutent à ces chaines communes de la société de la rareté, celles de la précarité, de la nécessité d’investir et d’entretenir ses outils de travail, de financer la protection sociale dont il bénéficie pourtant bien moins que le salarié, toutes les obligations légales et administratives de son métier… parce que oui, barbouiller des toiles, fixer la lumière via un capteur ou raconter des histoires sont aussi des métiers à part entière ! (...)

La chaine de l’édition, par exemple, réserve la portion congrue à celui qui aura pourtant le plus donné de lui-même et de son temps à l’œuvre : l’auteur ! (...)

Ce n’est pas pour rien que ces dernières années, j’ai rejoint les rangs d’un syndicat artistes, le CAAP, tant il est nécessaire pour les artistes d’unir leurs forces pour ne plus être une des professions libérales les moins lucratives de France (juste avant les coiffeurs…). Et encore, il s’agit là d’une moyenne. La réalité artistique — en dehors des quelques champions de l’optimisation fiscale de la FIAC —, ce sont des revenus réels qui ouvrent droit au RSA. Est-ce à la solidarité nationale de financer la création ? (...)

Quoi qu’il en soit, et pendant que nous tâtonnons à trouver d’autres moyens de financer la création artistique, cessons de traiter les artistes comme des créatures fantasmatiques et éthérées et admettons que comme tous les professionnels, ils méritent aussi de recevoir les justes fruits de leur travail et d’en vivre décemment.