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Le Monolecte
La victoire des laissés pour compte
Article mis en ligne le 9 novembre 2016

L’élection de Donald Trump s’est faite dans le dos des experts, des médias, des cercles biens informés, qui ont tous pour caractéristique essentielle d’appartenir à la même classe sociale dominante. Exactement comme pour le Brexit, jusqu’au dernier moment, tous ceux qui ont le droit de parole ont totalement nié l’éventualité qu’il puisse exister une (courte) majorité de la population qui pourrait ne pas du tout voir le monde de la même manière qu’eux, qui pourrait en avoir gravement assez que la mondialisation heureuse et prospère soit réservée à une petite élite de plus en plus resserrée tout en se refaisant abondamment sur leur échine.

(...) Ce que racontent les « surprises » électorales redondantes de ces dernières années, c’est que la guerre des classes est loin d’être circonscrite aux livres d’histoire poussiéreux, qu’elle est plus féroce que jamais et que si les classes laborieuses (et encore plus celles qui sont même exclues du labeur !) ont parfaitement compris qu’elles étaient en train de perdre cette guerre, elles ont bien l’intention d’emmener un maximum de dominants ou de larbins dans leur chute. (...)

L’élection de Trump, c’est avant tout le triomphe de tous ces laissés pour compte que le capitalisme triomphant fait mine de ne pas voir. C’est la revanche de tous ceux qui ont tout perdu dans la crise des subprimes, mais qui n’ont pas disparu de la surface de la Terre, malgré la cécité délibérée de ceux qui les ont pourtant plongés dans la misère la plus sordide. C’est surtout l’expression de la colère de ces millions d’hommes et de femmes qui n’existent plus que dans les chiffres, ceux de la tiers-mondisation affolante d’une part de plus en plus importante de la population états-unienne, de tous ces gens qui survivent misérablement dans un pays d’abondance, qui crèvent de ne pas pouvoir se payer éducation, soins, logement décents, voire même eau potable dans certains coins particulièrement touchés.
L’élection de Trump, c’est la victoire des perdants et de tous ceux (encore plus nombreux) qui ont conscience d’être à présent bien engagés à leur tour sur la planche savonneuse : ceux qui peinent à rembourser le crédit de leur maison en planches, qui se crèvent la vie et la santé avec plusieurs boulots pour continuer à surnager (...)

L’élection de Trump, c’est en même temps la fête du capitalisme le plus hideux, le plus sauvage et le plus mortifère : c’est la démonstration superbe que de monter les dominés les uns contre les autres est toujours payant pendant les grandes périodes d’effondrement. C’est la confirmation — s’il en fallait ! — que les réflexes identitaires s’épanouissent sur les ruines de la prospérité perdue et de la peur de l’exclusion qui, dans une société totalement marchandisée, est pratiquement une condamnation à mort.

L’élection de Trump n’est pas un évènement fortuit et solitaire. C’est une tendance de fond qui devrait enfin alarmer les commentateurs bonhommes de nos propres élections à venir. Ceux-là mêmes qui se sont étonnés de voir la France — dite des « périphéries » — se teindre en noir lors des derniers scrutins, mais qui continuent à assurer par une forme de syndrome de Coué que, non, Marine Le Pen ne deviendra jamais présidente !