
L’exécutif vient de présenter son plan de sobriété énergétique et d’appeler à la « mobilisation générale ». Fondé sur des engagements volontaires et des incitations non contraignantes, ce plan, pourtant détaillé, fait l’impasse sur l’essentiel : stopper les productions superflues ; réduire les inégalités ; financer les services publics (transports...) et l’isolation des logements
A l’heure où la catastrophe climatique s’aggrave, les tensions géopolitiques s’accentuent et les prix de l’énergie s’envolent, le plan sobriété sur lequel le gouvernement travaille depuis des mois était plus qu’attendu. Il est plus que décevant. L’objectif est louable : réduire la consommation d’énergie en France. L’ambition est haute : -10% d’énergie consommée d’ici 2024, et -40% d’ici à 2050. Le principe général est même compréhensible : essayer d’embarquer tout le monde dans l’aventure. Par contre, les voies et les moyens proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux. (...)
Plusieurs raisons expliquent pourquoi ce plan sobriété n’est pas à la hauteur des enjeux :
1/ on n’y compte que des incitations non contraignantes et des engagements volontaires : que rien ne soit imposé aux plus précaires d’entre nous était nécessaire ; par contre, que les comportements et pratiques de consommation des plus riches ne soient pas régulées et contraintes est à la fois injuste et inefficace (...)
pour le dire autrement, un plan de sobriété qui ne prévoit rien de spécifique pour restreindre les consommations superfétatoires des populations les plus riches est un plan qui manque sa cible (...)
La sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres.
2/ jamais le contenu des productions de biens et services n’est interrogé : l’exécutif a même posé comme ligne rouge toutes les mesures qui interviendraient directement sur le contenu de la production afin d’en supprimer les plus superflues ou nocives ; « la sobriété énergétique, ce n’est pas produire moins » scande Elisabeth Borne tandis qu’Emmanuel Macron affirme que la sobriété « ça veut juste dire “gagner en efficacité” en traquant à chaque instant les coûts cachés [...], tout ce qu’on peut faire pour produire encore davantage mais en dépensant moins ». L’exécutif recycle le terme sobriété mais édulcore son contenu afin de le vider de son sens et tenter de ramener dans le giron de la croissance du PIB le concept de sobriété qui a justement été forgé pour interroger le contenu de cette croissance. Résultat : le plan de sobriété ne contient aucune mesure qui viendrait encadrer, restreindre, interdire la production ou la consommation de biens et services particulièrement nocifs. (...)
Mais rassurons-nous, le plan de sobriété prévoit que les « les conducteurs de remontées mécaniques seront formés à l’écoconduite ». Nous voilà rassurés.
3/Les services publics sont les grands oubliés du plan de sobriété (...)
L’exécutif relance-t-il en urgence les trains de nuit ? L’exécutif prévoit-il de baisser massivement les prix des transports en commun, trains compris, pour que leur coût ne soit plus un frein à leur utilisation ? Non, non et non. Au contraire les petites lignes sont en danger en raison d’un sous-investissement. La mise en place de nouveaux trains de nuit, déjà été reportée à 2022, est désormais renvoyée à 2023 (...)
Quant à baisser massivement les prix des transports en commun, notamment le train, comme cela a été mis en place en Allemagne ou en Espagne, cela n’a jamais été évoqué par l’exécutif. Plus généralement, ce sont l’ensemble des services publics qui sont laissés de côté : les universités obtiennent-elles de nouveaux moyens pour garantir l’accès des étudiants ? Non. C’est le contraire. Certaines fermeront pour faire des économies en renvoyant les étudiants au financement de leur chauffage individuel dans leurs studios – passoires thermiques. La sobriété sans services publics, c’est l’austérité pour la majorité.
4/ L’isolation des logements renvoyée aux calendes grecques : c’est sans doute le point le plus incroyable de ce plan de sobriété.
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ce plan sobriété dit à toutes celles et ceux qui vivent dans la précarité énergétique : « mettez un col roulé, démerdez-vous pour supporter le froid l’hiver et le chaud l’été, essayer de ne pas trop chauffer et, promis, d’ici 100 ans, on vous garantit que votre logement sera rénové ». C’est à la fois insupportable sur le plan moral, inacceptable sur le plan social et sanitaire et inefficace sur le plan de la sobriété et du climat. Ce n’est pourtant pas une fatalité puisque nous avons rendu publique une proposition de loi qui permet de lever l’obstacle de la massification du financement de l’isolation des logements (n’hésitez pas à diffuser). La sobriété sans isolation généralisée, c’est la précarité énergétique prolongée. (...)
ce plan sobriété dit à toutes celles et ceux qui vivent dans la précarité énergétique : « mettez un col roulé, démerdez-vous pour supporter le froid l’hiver et le chaud l’été, essayer de ne pas trop chauffer et, promis, d’ici 100 ans, on vous garantit que votre logement sera rénové ». C’est à la fois insupportable sur le plan moral, inacceptable sur le plan social et sanitaire et inefficace sur le plan de la sobriété et du climat. Ce n’est pourtant pas une fatalité puisque nous avons rendu publique une proposition de loi qui permet de lever l’obstacle de la massification du financement de l’isolation des logements (n’hésitez pas à diffuser). La sobriété sans isolation généralisée, c’est la précarité énergétique prolongée. (...)
Reconnaissons au gouvernement d’avoir ouvert un débat public sur la sobriété. C’est un très bon point, même si l’exécutif cherche tout de suite à en restreindre les contours et à supprimer la force subversive et politique de ce concept de sobriété : derrière le terme et ses usages, il s’agirait en effet de définir quels sont les besoins à satisfaire et donc comment et pourquoi dépenser des ressources naturelles pour la production de tels biens et services.
Emparons-nous de ce débat à bras-le-corps pour en redéfinir les contours et ne pas rester au milieu du gué. Là où le gouvernement instrumenalise la sobriété, et les mesures qu’il propose, comme le moyen de garantir la stabilité des réseaux d’approvisionnement énergétique afin de conserver un appareil productif aux contours inchangés, menons le débat en portant nos propositions : réduire drastiquement et progressivement toutes les productions (industrielles, agricoles, tertiaires, etc) nocives pour la planète et ses habitants et augmenter toutes celles qui améliorent véritablement le bien-être, la santé et l’environnement.