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l’Humanité
La situation ne peut qu’empirer aux Etats-Unis ! Les explications de la chercheuse Sarah Rozenblum
Article mis en ligne le 1er avril 2020

L’épidémie de coronavirus s’accélère à toute vitesse aux Etats-Unis. Le pays a franchi ce mercredi la barre des 4 000 morts. La veille au soir, les Etats-Unis avaient enregistré 865 décès en seulement 24 heures, pire bilan journalier depuis le début de l’épidémie. Sarah Rozenblum, chercheuse en santé publique et sciences politiques à l’université du Michigan (Ann Arbor), revient sur la situation actuelle, la réaction des autorités, les lacunes du système de santé américain et l’urgence d’élargir le programme fédéral Medicare, défendu par Bernie Sanders. Entretien.

Sarah Rozenblum. La situation sanitaire s’aggrave aux États-Unis, premier foyer de contagion au monde. New York est devenue l’épicentre de l’épidémie. Les hôpitaux de la ville sont saturés et manquent cruellement d’appareils d’assistance respiratoire. Le New Jersey voisin se prépare à un afflux massif de patients new-yorkais.

La situation est également préoccupante à la Nouvelle Orléans et Miami, la Louisiane et la Floride ayant tardé à réagir face à la menace sanitaire. Bien qu’une réponse unifiée à l’échelle étatique soit préférable à des mesures fragmentées, le Texas a délégué la gestion de la crise aux autorités locales. Enfin, les villes dotées de réseaux de transports publics relativement denses, comme Chicago, sont particulièrement sensibles et connaîtront une augmentation significative du nombre de cas au cours des prochains jours.

Quelle est la nature de la réaction des autorités ?

Sarah Rozenblum. Le système de santé américain est décentralisé. Les décisions sanitaires se prennent souvent à l’échelon étatique, voire local, au plus près des besoins des populations. Le gouvernement fédéral aurait pu choisir de coordonner (et donc harmoniser) la gestion de la crise, comme l’y incitait un manuel de préparation aux risques pandémiques rédigé lors de la présidence Obama. L’administration a préféré se désengager (dans un premier temps) de la gestion de la crise sur son volet sanitaire, la déléguant aux gouverneurs et autorités locales.

Les mesures les plus volontaristes ont été prises par les états démocrates de Californie, Illinois, Michigan, Washington, qui ont, selon les cas, confiné leur population, imposé la fermeture des établissements scolaires et lieux « non essentiels » et parfois généraliser les arrêts maladie à l’ensemble des travailleurs. Refusant de s’aligner sur la position du Président Trump, qui a longuement minimisé la gravité de la crise sanitaire, la qualifiant successivement de « canular » et de « distraction », les gouverneurs républicains de l’Ohio et de la Virginie Occidentale ont également édicté des mesures contraignantes. À l’opposé, la réponse du Mississippi et de l’Oklahoma semble bien lacunaire puisque leurs gouverneurs se sont contentés d’imposer la fermeture des écoles.

La « stratégie » du gouvernement fédéral a sensiblement évolué au cours des derniers jours. Oscillant entre déni de réalité et tentative de sauvetage de l’économie américaine lors de la première quinzaine de mars, Donald Trump semble avoir désormais pris conscience de la gravité de la situation.

La déclaration d’état d’urgence du vendredi 13 mars a permis de débloquer 50 milliards de dollars en faveur des hôpitaux et entreprises. Le même jour, le Congrès a voté un projet de loi instaurant la gratuité des tests et créant un arrêt maladie d’urgence (assortie de nombreuses dérogations au bénéfice de grandes entreprises telles Amazon et Walmart).

Dernier jalon législatif de la réponse fédérale, le CARES Act a été adopté le 27 mars. Ce plan, d’une ampleur inédite dans l’histoire américaine, comporte des mesures en faveur des hôpitaux, entreprises et citoyens américains. (...)

Ces mesures, jugées insuffisantes par certains démocrates, seront certainement suivies de nouveaux projets de loi au cours des prochaines semaines.

Après avoir refusé d’invoquer le Defense Production Act, Donald Trump s’est résigné à le faire le 27 mars pour demander à General Motors de réorienter son activité industrielle vers la production d’appareils d’assistance respiratoire. Ses décisions restent toutefois imprévisibles. Fort d’une popularité croissante, le Président veut relancer au plus vite l’activité économique et prévoyait une levée (prématurée) du confinement le 12 avril, catalysant possiblement la création de nouveaux clusters , avant de changer de nouveau d’avis hier. Plusieurs gouverneurs entendent prolonger le confinement. (...)

Aux États-Unis, les pires catastrophes n’induisent pas toujours de changements radicaux sur le plan sanitaire. Espérons qu’il en soit autrement cette fois-ci…