
Mis en cause pour des faveurs sexuelles qu’il est suspecté d’avoir obtenues en échange d’interventions politiques, lié à un ex-président de la République triplement mis en cause par la justice, Gérald Darmanin n’aurait jamais dû être promu ministre de l’intérieur. Son comportement depuis montre que son départ serait de salubrité publique. (...)
Alors qu’il est encore visé par une enquête judiciaire pour viol, ayant obtenu des faveurs sexuelles tout en promettant une intervention politique, la récente promotion ministérielle de Gérald Darmanin fut une insulte faite aux femmes victimes des abus des hommes, de leur violence et de leur privilège (lire l’article de Lénaïg Bredoux).
En osant affirmer qu’il s’étouffe quand il entend parler de « violences policières », le nouveau ministre de l’intérieur vient d’y ajouter une insulte pour leurs victimes, mortes étouffées par une clé d’étranglement (lire l’enquête de Pascale Pascariello).
Entre-temps, il avait aussi insulté la vitalité et la diversité de la société française, ses mobilisations populaires et ses révoltes juvéniles, en les assimilant à un « ensauvagement » général (lire l’analyse d’Antoine Perraud).
Dernier avatar d’une dérive commencée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin est désormais le nouveau symbole d’une politique sauvage. D’une politique qui ne s’autorise que d’elle-même, s’émancipant des règles communes. D’une politique aventurière, violente et grossière. D’une politique sans autre boussole que le pouvoir, l’abus qu’il permet, le profit qu’on en tire, la protection qu’il confère. D’une politique sortie de ses gonds à la faveur de la panique grandissante d’une classe dirigeante ayant fait sécession, indifférente au sort collectif, arc-boutée sur ses avantages, aveugle aux sursauts du monde. (...)
Dès lors, il lui faut faire diversion, en montant la société contre elle-même, en la divisant, en l’hystérisant, en la brutalisant. C’est la fonction du nouveau mantra présidentiel dont Gérald Darmanin se veut l’empressé propagandiste, cette déclaration de guerre au « séparatisme » (lire l’article d’Ellen Salvi).
Sont ainsi amalgamées comme une nouvelle Anti-France, symboliquement décrétées en dehors de la communauté nationale, toutes les dissidences où s’exprime, s’invente et se renouvelle la politique comme émancipation, à partir des sursauts venus du mouvement propre de la société, de ses luttes autonomes et de ses résistances spontanées.
Le mouvement #MeToo marque un nouvel âge du féminisme, ébranlant dans le monde entier la domination masculine ? On nommera au ministère de l’intérieur un homme politique qui ne nie pas avoir eu des relations sexuelles avec deux femmes venues lui demander d’user de son pouvoir pour les aider (pour obtenir un logement et dans un dossier judiciaire). Et on ajoutera au ministère de la justice un avocat connu pour ses tirades sexistes au point d’avoir même contesté le mot de « féminicide ». Le tout alors même que le ministre de la police fait l’objet d’investigations judiciaires, ce que, paradoxalement, l’insistance sur sa présomption d’innocence rappelle : elle est précisément énoncée parce qu’il existe des charges dont il revient à la justice de dire si elles sont qualifiables pénalement.
La lutte contre la corruption et pour la moralisation de la vie publique est décisive afin de reconquérir la confiance d’un peuple qui déserte les urnes ? On nommera au ministère de l’intérieur un fidèle de Nicolas Sarkozy, lequel s’est empressé de le faire savoir sur TF1 : « Gérald est un ami, j’ai pu compter sur sa fidélité et sa solidité. » Or il s’agit de l’ancien président le plus cerné par la justice de toute notre histoire républicaine
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La dénonciation des violences policières visant des populations à raison de leur couleur de peau et de leur condition sociale, discriminées et opprimées, est devenue universelle, soulevant notamment les jeunesses nord-américaine et française ? On nommera au ministère de l’intérieur un politicien qui en nie jusqu’à l’existence – « Quand j’entends le mot violences policières, personnellement, je m’étouffe » –, alors même que se multiplient les révélations sur des unités de police à la dérive, violentes, xénophobes, racistes, infiltrées par l’extrême droite, corrompues parfois. (...)