
Il est fondamental d’avoir un diagnostic correct de la situation qui, à mon avis, est la suivante : nous avons la plus grande crise du système capitaliste depuis 80 ans et les réponses sociales ne sont pas à la hauteur. Lorsque la crise a éclaté, en 2007-2008, les intellectuels pro-capitalistes ont tremblé car ils se sont rendu compte qu’il s’agissait d’une crise systémique. On a partout parlé de crise capitaliste. Des gouvernants comme Nicolas Sarkozy ont annoncé qu’il fallait refonder le capitalisme parce qu’ils craignaient réellement une contestation sociale de très grande ampleur, mais celle-ci ne s’est pas encore produite.
C’est vrai qu’il y a des signes positifs comme ceux donnés à Belém au Forum Social Mondial (FSM) en janvier 2009 : 140.000 participants, parmi lesquels une grande majorité de jeunes qui cherchaient à participer aux ateliers les plus radicaux. Les déclarations finales des mouvements indigènes, des femmes, du mouvement pour la défense du climat et la justice globale, des mouvements sociaux... sont très radicales. Mais ce ne sera pas un forum social mondial qui pourra changer la corrélation de forces, mais plutôt les luttes réelles dans les pays où la crise est plus forte, dans ceux qui ont un poids dans l’économie mondiale. A ce niveau, les réponses sociales aux Etats-Unis et en Europe sont jusqu’à présent limitées, comme si les gens étaient paralysés par les coups qu’ils reçoivent, par le chômage, etc...
...Si nous parlons de l’Europe ou des Etats-Unis, le mouvement syndical joue un rôle important pour mobiliser ou, à l’inverse, ne pas le faire. ...
..Les directions syndicales ne sont pas prêtes à assumer les risques d’une confrontation avec les gouvernements. Elles s’accrochent à l’espoir que les plans de sauvetage des banques vont réussir à nous sortir de la crise en une ou deux années, mais cela est une erreur....
...Une stratégie de mobilisation me paraît fondamentale, mais il faut aussi construire des instruments de pouvoir populaire venant de la base -dans le style, là oui, des Zapatistes, ou des indigènes organisés au sein de la CONAIE. Il faut aussi bien sûr la mobilisation d’autres secteurs comme par exemple les travailleurs d’usine, qui doivent appliquer une politique de contrôle ouvrier. Le contrôle ouvrier revient à créer une dualité de pouvoir dans l’entreprise capitaliste afin de contester le pouvoir des capitalistes. Dans le cas de gouvernements qui nationalisent les entreprises, la production doit être organisée par les travailleurs, et non une bureaucratie ou les technocrates. Il s’agit en plus de mettre en place de la base jusqu’au sommet de la société des structures de pouvoir populaire qui devront prendre la place de l’Etat capitaliste. C’est un processus long et complexe. La tâche est ardue mais vaut la peine d’être poursuivie.