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La régression accélérée du droit de l’environnement
Les installations classées : deux siècles de législation et de nomenclature (2 tomes), par Gabriel Ullmann, éditions CogiTerra, 1194 p., 60 €. - Simon Charbonneau est juriste et maître de conférences honoraire à l’université de Bordeaux I. Il a récemment publié Le Prix de la démesure.
Article mis en ligne le 10 décembre 2016
dernière modification le 6 décembre 2016

Le livre du juriste Gabriel Ullmann est essentiel car il révèle une tendance lourde et inquiétante : les grands principes du droit de l’environnement sont peu à peu remis en question par des réformes actant un recul constant des contraintes subies par l’industrie.

Voici un ouvrage essentiel écrit par un juriste qui n’est pourtant pas universitaire et dont la connotation critique est remarquable : il associe une connaissance exhaustive de la matière avec une capacité d’analyse allant au-delà du positivisme traditionnel des juristes commentateurs de textes.

L’analyse des textes adoptés en droit de l’environnement depuis une dizaine d’années est menée de façon à la fois savante et impitoyable. Elle souligne le sens politique des réformes adoptées. Face à la fonction contraignante du droit de l’environnement, les gouvernements successifs, et en particulier celui de la majorité socialiste, se sont efforcés d’assouplir systématiquement les dispositions de prévention et de protection au profit de l’industrie et du monde économique, et ceci au nom d’une supposée « simplification » qui, paradoxalement, n’a fait que contribuer un peu plus à l’obésité du code de l’environnement, devenu illisible pour le simple citoyen.
Le plus grave concerne les atteintes au droit au recours contentieux, fondement de l’État de droit

Car, derrière ces réformes successives qui alimentent l’obsolescence de ce droit, il y a un postulat idéologique implicite, à savoir que la régression du droit de l’environnement doit permettre de « libérer la croissance », dont les taux stagnent depuis de nombreuses années pour des raisons tout autres que juridiques.

En fait, tous les acquis constituant les grands principes du droit de l’environnement ont été insidieusement remis en question par des réformes d’apparence parfois technique, mais actant toujours un recul des contraintes subies par l’industrie. (...)

Mais le plus grave concerne les atteintes au droit au recours contentieux, fondement de l’État de droit. Ce droit, reconnu depuis longtemps par la loi et la jurisprudence, est l’objet de restrictions de natures diverses visant à empêcher les administrés de saisir la justice administrative pour faire annuler des décisions administratives jugées illégales par les requérants. (...)

Un signal d’alarme qui doit faire réfléchir ceux qui prennent au sérieux le combat écologique

En droit de la protection de la nature, il en va de même avec la multiplication des autorisations de destruction d’espèces protégées liées à des projets d’aménagement déclarés d’utilité publique comme dans l’affaire du projet de Notre-Dame-des-Landes, et ceci en violation manifeste du droit européen.

Malgré le principe de non-régression du droit de l’environnement acté récemment par la loi relative à « la reconquête de la biodiversité » (!), la pratique administrative et jurisprudentielle va à l’opposé ! (...)

Plus que jamais, au fur et à mesure de l’aggravation de la crise écologique, la schizophrénie provoquée chez nos dirigeants par la religion du développement technique et économique à tout prix deviendra intenable.