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La présence du loup en Ile-de-France défraye la...
Nicolas Leport est superviseur scientifique du « collectif scientifique et indépendant » Suivi du Loup en Ile-de-France, « créé à la suite de la suspicion de la présence temporaire du loup » en région parisienne.
Article mis en ligne le 11 avril 2017
dernière modification le 6 avril 2017

La présence du loup en Ile-de-France défraye la chronique épisodiquement. Pourtant, aucune preuve formelle de sa présence n’existe à ce jour, explique l’auteur de cette tribune. Qui considère tout de même que les conditions écologiques locales et le comportement de ces grands voyageurs pourraient les conduire un jour jusqu’aux forêts franciliennes.

Depuis quelques mois, le retour supposé du loup dans la région parisienne fait couler beaucoup d’encre. Des journaux locaux, mais également des médias nationaux relayent les mêmes supposées preuves de cette réapparition, sans photographie à l’appui. Le 14 janvier dernier, par exemple, Le Parisien rapporte « des hurlements caractéristiques à l’ouest d’Étampes (Essonne) », décrit « une tanière découverte à Montfort-l’Amaury (Yvelines) », « des cadavres de chevreuils retrouvés en forêt de Rambouillet », et « des empreintes repérées au sud-ouest d’Arpajon (Essonne) ».

Une tanière, des « visus », des hurlements, des carcasses… Alors, loup ou pas ? C’est pour mener cette enquête que nous avons créé Suivi du loup en Ile-de-France. De manière plus globale, notre objectif est de traiter ce sujet avec rigueur, le fantasme prenant trop souvent le pas sur la raison ces derniers temps.

Les loups sont d’incroyables marcheurs franchissant avec une insolente facilité les infrastructures humaines. Ils traversent ainsi aisément villes ou autoroutes. Les fleuves les plus importants ne semblent pas les inquiéter non plus. La présence ponctuelle d’un loup a été validée par l’État dans la Nièvre. Elle est déjà reconnue en Haute-Marne et dans l’Aube depuis plus de trois ans. Ce sont des départements proches de l’Ile-de-France, particulièrement l’Aube. Des déplacements de cet animal ou d’un autre individu vers l’Ile-de-France sont plausibles. (...)

Près de mille cinq cents kilomètres parcourus en trois semaines par un loup

Cette colonisation progressive et prévisible des territoires inoccupés n’est pas le seul phénomène pouvant expliquer la présence du loup en région parisienne. L’équipement d’individus par des colliers émetteurs a montré que certains étaient capables de parcourir des distances ahurissantes. (...)

On est encore incapable d’expliquer ce qui pousse ces individus à parcourir de telles distances. Néanmoins, on sait que ces déplacements brusques ont un véritable intérêt pour lier les populations entre elles. Ils alimentent un brassage génétique entre des populations morcelées du fait de leur traque passée ou actuelle réalisée par l’homme. Les loups étaient présents en Ile-de-France avant leur extermination au début du XXe siècle. Certains villages en portent d’ailleurs le nom. C’est par exemple le cas de Courson-Montloup, petit village de l’Essonne.

Il est certain que le paysage francilien a fortement changé depuis cette époque. Ainsi, la région parisienne est réputée pour avoir une démographie et une urbanisation importantes. Celles-ci sont néanmoins fortement à relativiser concernant la grande couronne, qui comporte nombre de parcs naturels et compte des massifs forestiers importants. La grande couronne est principalement rurale et riche en gibier. Elle semble adaptée à un retour de quelques individus dans les années à venir, selon la plupart des spécialistes.

Cela étant, la fréquentation humaine importante risque de compliquer d’éventuelles reproductions. Les loups de passage pourront donc se nourrir, mais il est possible que les dérangements soient trop nombreux pour que l’espèce puisse se reproduire… Il n’est pas exclu non plus que de futures populations s’installent en périphérie de l’Ile-de-France, dans des secteurs plus calmes, et utilisent notre grande couronne comme territoire de chasse. (...)

Le risque principal avec cette excitation médiatique serait de surestimer des populations (dont on ignore encore si elles existent !), d’attribuer au loup des méfaits dont il est innocent et d’entraîner son éventuelle disparition dans la région. Enfin, transmettre des informations trop précises, ici des supposés territoires, des villes où des individus auraient été vus, un présumé nombre d’individus, c’est faciliter la traque d’éventuels animaux. Au mieux par des curieux risquant tout de même de déranger l’animal, au pire par des braconniers.

Lors de nos interventions, nous travaillons à la démystification de l’animal. On entend encore fréquemment que le loup est un prédateur pour l’homme. C’est faux. Par contre, on peut s’entendre sur le fait qu’il soit un danger potentiel pour nos animaux et tâcher de trouver des solutions pour aider les détenteurs d’animaux domestiques à protéger leurs animaux des grands canidés (chiens comme loups). (...)