
Décidés à échapper à la domination étrangère et au sous-développement, de nombreux mouvements indépendantistes et révolutionnaires du tiers-monde ont tenté de s’unir, il y a une cinquantaine d’années. Leur projet : organiser la lutte contre toutes les formes d’asservissement des peuples, impérialisme, colonialisme et, parfois même, capitalisme (1).
C’est dans cet esprit que se tint la conférence tricontinentale, relatée par le reporter et écrivain Roger Faligot dans une enquête extrêmement vivante (2). A l’instigation de Fidel Castro, Ernesto Che Guevara, Mehdi Ben Barka, Ahmed Ben Bella, Hô Chi Minh ou encore Salvador Allende, celle-ci réunit, du 3 au 15 janvier 1966, près de quatre-vingt-deux délégations à l’hôtel Havana Libre de la capitale cubaine. Fruit de deux ans et demi de recherches, l’ouvrage parvient à restituer le contexte géopolitique et culturel de la conférence, ses enjeux, ainsi que l’effervescence qu’a suscitée son projet de dessiner une « troisième voie », à l’abri de la rivalité entre les frères ennemis soviétique et chinois. (...)
Au-delà des grandes figures que dépeint l’auteur — révolutionnaires, intellectuels ou dirigeants politiques issus de délégations prestigieuses —, l’intérêt de cette fresque réside dans ses anecdotes et ses descriptions méticuleuses du rôle des « passeurs », ces militants discrets dont l’action fut fondamentale. Ainsi, l’éditeur français François Maspero qui, entre autres initiatives, publia la revue Tricontinental, ce qui lui valut saisies, amendes et prison entre 1969 et 1971. Ces individus au parcours exaltant, parfois douloureux, témoignent de la puissance mobilisatrice des causes de l’époque. L’ampleur des recherches menées par Faligot, les témoignages et souvenirs recueillis représentent une mine d’or pour qui s’intéresse à la période. (...)