
Trop solitaire ? Le gigantesque loup d’Amérique du Nord, emblématique de la mégafaune préhistorique de l’âge de glace, a disparu il y a 12.000 ans sans laisser de trace génétique chez ses cousins contemporains, qu’il a pourtant côtoyés, selon une étude parue mercredi.
Depuis plus de cent ans, les biologistes pensaient que "Canis dirus" - le "loup sinistre" ou "loup terrible" popularisé par la série "Game of Thrones" - était une sous-espèce du loup gris commun, dont il était morphologiquement proche bien qu’environ 20% plus grand.
Les études ne manquaient pas, car le prédateur qui a rôdé pendant des millions d’années sur le continent nord-américain a laissé derrière lui des fossiles en abondance (...)
Mais ces ossements n’avaient pas tout dit, leur analyse se limitant à l’anatomie. Et pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs, dont les travaux sont publiés dans la revue Nature, a fait parler la génétique.
Les chercheurs ont pu analyser de l’ADN de restes vieux de 50.000 ans (...)
Verdict : "Canis dirus" est une espèce à part, et seulement un lointain cousin de "Canis lupus", le loup gris actuel. Ils sont aussi éloignés que l’homme et le chimpanzé, commente Kieren Mitchell, de l’Université d’Adélaïde en Australie, co-auteur de l’étude. (...)
"Vu leurs morphologies similaires, on a été surpris qu’ils soient génétiquement si différents", raconte à l’AFP le paléogénéticien Laurent Frantz, de l’Université Queen Mary de Londres, l’un des auteurs principaux.
Le "loup terrible" aurait vécu en Amérique du Nord en autarcie, totalement isolé des autres espèces de canidés qui déambulaient à travers l’Eurasie.
Le méga-carnivore y a prospéré seul pendant des millions d’années, chassant la riche faune de grands mammifères, tels les bisons, qui peuplait alors l’hémisphère nord. Jusqu’à ce que débarquent des loups et des coyotes, venus d’Eurasie.
Avec ces nouveaux arrivants, il aurait cohabité "pendant les 20.000 dernières années de son existence" (...)
pourquoi cette absence d’hybridation chez le "loup sinistre" ? Il est possible qu’il ait convolé avec les autres espèces, mais qu’une "barrière biologique (pas d’interfécondité), ou comportementale (les enfants n’auraient pas pu s’intégrer aux meutes d’autres espèces), ait rendu la reproduction impossible", avance Laurent Frantz.
"Canis diris" fut ainsi "incapable de survivre par le biais d’autres gènes", qui auraient, par exemple, pu lui permettre de résister à des maladies "importées". Et comme ses proies, les autres grands mammifères, disparaissent, il s’est retrouvé "dans une impasse de l’évolution", aboutissant à son extinction totale, décrypte le scientifique. (...)