
La violence table désormais sur sa propre ubiquité. Elle est à la fois partout et nulle part
Qu’ils soient approbateurs ou critiques, je trouve prématurés les commentaires qui accompagnent déjà l’action de nos troupes dans le nord du Sahel. Tout porte à penser que François Hollande a eu raison de relever ce défi guerrier, muni qu’il était d’un mandat du Conseil de sécurité et d’un large accord africain. Pour le reste, les éditorialistes - disons les plus « péremptoires » - devraient être prudents. Nul ne sait, en vérité, comment les choses tourneront.
Ce que l’on sait, en revanche, c’est que cette offensive et son écho terroriste à 2 000 kilomètres de distance (en Algérie) illustrent de manière saisissante une mutation trop peu médiatisée. On ne le sait pas, mais les spécialistes de la géostratégie nous affirment que la guerre a « disparu », du moins sous sa forme classique. Cette « disparition » n’équivaut pas à la fin de la violence. Bien au contraire, elle risque de coïncider avec un déchaînement de celle-ci (1).
Il n’empêche que la guerre, dans son acception classique, laisse place à des « états de violence » plus difficiles à définir, à codifier et à combattre. (...)
Aujourd’hui, les « états de violence » n’opposent plus des États mais des réseaux transnationaux du type al-Qaida. La violence table désormais sur sa propre ubiquité. Elle est à la fois partout et nulle part. Ses promoteurs profitent, comme au Sahel, de « non-territoires ». Les organisations qui la produisent ne se confondent plus avec un territoire ou un État, ni même avec une coalition au sens ancien du terme. L’espace de la guerre, lui aussi, est émietté, fracturé. La violence ne vise d’ailleurs pas - principalement - la conquête ou le contrôle d’un pays donné. Sa cible, ce sont les individus eux-mêmes, j’allais dire les âmes.
L’évolution ira dans le sens d’une déterritorialisation encore accrue (...)