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La gentrification de Paris vue par Google Street View
Article mis en ligne le 19 octobre 2019
dernière modification le 18 octobre 2019

La Time Machine de Google est une manne inespérée pour retracer dix ans de transformations physiques et sociales de la capitale.

Avez-vous déjà essayé de déambuler dans le Paris d’il y a dix ans ? Un monde anachronique, plein de C3 Pluriel, de boutiques de location de DVD, de permanences UMP et de Franprix bas de gamme aux carrelages fatigués.

Sur Google Maps, lorsque vous passez en mode Street View, une petite icône en bas de l’adresse vous indique la date à laquelle les photos de la rue ont été capturées.

En un clic, une frise chronologique retrace onze ans de clichés en 360 degrés. En sélectionnant une année antérieure, la vue contemporaine laisse place à un Paris d’archives.

En plus d’être ludique, cette promenade dans le passé se révèle être un matériau exceptionnel pour explorer les transformations sociales de la capitale. (...)

Si certaines transformations de l’offre commerciale d’une rue ne racontent qu’elles-mêmes, d’autres incarnent une tout autre histoire. Comme celle, récente, de la gentrification, le phénomène de remplacement progressif de classes populaires par des habitant·es plus aisé·es, dans un quartier à la physionomie elle-même chamboulée par les nouveaux arrivants.

Depuis les années 1990, ces mutations sont particulièrement visibles dans les Xe, XIe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements, au nord-est de Paris. (...)

ces onze années de voyage dans le temps ne disent pas tout, seulement quelques bribes d’une histoire de gentrification plus ancienne, faute de pouvoir se promener aux prémices de l’éviction des plus pauvres. (...)

« Il y a plus de gens différents, mais il n’y a plus de lieux où ils peuvent se mélanger » (...)

L’exemple de la rue du Château d’Eau est éclairant. « Là, la gentrification résidentielle n’a pas eu trop d’impact sur le commerce et c’est plus tard qu’une intervention publique a eu lieu pour que les boutiques se mettent à correspondre à la demande des habitants, analyse Anne Clerval. La Mairie vient parachever ce que la gentrification n’a pas réussi à faire : virer les grossistes. »

À l’inverse, « dans les quartiers en voie de gentrification, les commerçants peuvent aussi résister et se maintenir. C’est le cas dans des rues comme la rue du Faubourg du Temple ou dans le quartier de la Goutte d’Or où, malgré plusieurs décennies d’action publique et des changements dans la composition de la population, le commerce populaire se maintient globalement », dissèque Antoine Fleury.

Si un saut dans le temps de onze ans déroule autant de récits de gentrification, que diront les géographes du futur, penchés sur une Time Machine 2008-2035 ?

Peut-être faut-il poser la question aux personnes qui vivent à New York. Elles ont déjà de quoi se promener il y a presque quarante ans, grâce à l’artisanal Street View of 1980s, bricolé avec quelques photos lo-fi glanées rue par rue.