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le Monde
"La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers", de Didier Fassin : mais que fait la police ?
LA FORCE DE L’ORDRE. UNE ANTHROPOLOGIE DE LA POLICE DES QUARTIERS de Didier Fassin. Seuil, 393 p., 21 €.
Article mis en ligne le 4 novembre 2011
dernière modification le 31 octobre 2011

Il y a plusieurs polices. Peut-être y en a-t-il même autant que de policiers. Les uns attirent parfois le regard, comme les flics "ripoux" et les serviteurs trop zélés du pouvoir exécutif qui défraient la chronique ces jours-ci. D’autres restent le plus souvent dans l’ombre.

Les policiers de terrain, auxquels incombe le maintien de l’ordre, sont de ceux-là. Leur travail, fait de patrouilles et d’interpellations, paraît souvent trop banal pour mériter que l’on s’y arrête. Le jeu du chat policier et de la souris délinquante n’est-il pas, après tout, l’un des plus vieux au monde ? Il est malheureusement aussi un des plus protégés du regard des chercheurs. "Circulez, y’a rien à voir !" : depuis plusieurs années, la police a fait de ce mot d’ordre sa politique à l’égard des sciences sociales. Elle oppose dorénavant un refus systématique aux demandes d’enquêtes sur son travail.

L’anthropologue Didier Fassin a pourtant réussi à surmonter les réticences des policiers et à se faire accepter dans un commissariat de la banlieue parisienne.

(...) Didier Fassin décrit patiemment le travail des policiers de la BAC.

Loin des clichés, celui-ci est essentiellement marqué par l’inaction et la frustration. "Les policiers, note-t-il, attendent de rares appels qui s’avèrent presque toujours vains, soit parce qu’il s’agit d’erreurs ou de plaisanteries, soit parce que les équipages arrivent trop tard ou font échouer leur affaire par leur maladresse, soit enfin parce qu’il n’y a pas matière à interpellation."

L’anthropologue s’attache dès lors à décrire le fonctionnement du groupe des "baqueux", cet "Etat dans l’Etat policier" fonctionnant par cooptation et doté d’une large autonomie par rapport à la hiérarchie policière. (...)

Puisqu’il faut bien donner un sens à ces inutiles courses-poursuites contre les jeunes des quartiers, aux interpellations sans gloire d’étrangers et de "shiteux" pour satisfaire le besoin de chiffres de la hiérarchie, les policiers de la BAC se sont bricolé une morale faite avant tout de discriminations raciales, de vengeances organisées et du recours systématique à la violence psychologique contre ceux qu’ils interpellent. Une morale qu’un brigadier résume ainsi face à Didier Fassin : "Y nous aiment pas, les bâtards. Nous on les aime pas non plus."

Au final, c’est un théâtre absurde et tragique qui émerge des notes prises par le chercheur dans ces véhicules banalisés lancés à la poursuite d’on ne sait finalement trop qui ou quoi.
(...)

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