
Jeudi dernier, Edouard Philippe et Gérald Darmanin tenaient un discours sur l’action publique et la fonction publique. Dans le cadre de CAP 2022 – qui est le nom donné à la politique à l’égard de la fonction publique par le gouvernement – le premier ministre et son ministre de l’action et des comptes publics, ont évoqué la vision du gouvernement pour la fonction publique. Au fil de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait affirmé vouloir diminuer de 120 000 le nombre de fonctionnaires dans notre pays et jeudi dernier, ses ministres se sont placés totalement dans les pas qui avaient été les siens lors de la campagne.
Dans une forme de théâtralisation devenue habituelle depuis l’arrivée du successeur de François Hollande à l’Elysée, les deux ministres ont en effet déroulé leur plan pour la fonction publique avec des annonces radicales, qui rompent avec la tradition. C’est bien simple, la volonté d’Emmanuel Macron et de son gouvernement n’est autre que de calquer les méthodes et les mots du privé. Il n’y a rien de bien étonnant à cela tant Emmanuel Macron comme l’ensemble des membres de son gouvernement et de sa majorité législative portent un profond mépris à l’égard des fonctionnaires et du travail qui est le leur. Tout est fait pour les rabaisser et les humilier depuis l’arrivée du nouveau locataire de l’Elysée. Loin de n’être que les pots cassés de sa politique, cette attitude à l’égard des fonctionnaires est au cœur de l’idéologie et de la stratégie détestable d’Emmanuel Macron.
Les fonctionnaires dans la cohorte des humiliés
Les faits ont largement été commentés depuis la prise de fonction du nouveau président, la politique qui est menée dans notre pays est une politique qui favorise allègrement les super riches. Suppression de l’ISF, instauration d’un impôt forfaitaire sur les revenus du capital ou encore ordonnances modifiant le code du travail soit autant d’éléments qui démontrent à quel point ce gouvernement et cette majorité ne se soucient que des détenteurs de capital tout en délaissant ceux qui n’ont que le travail pour moyen de subsistance. Il est en effet désormais établi que les personnes les plus dominées de notre société sont celles qui vont le plus perdre avec les mesures votées par la majorité de La République en Marche et que les inégalités ont toutes les chances de s’accroître du fait du projet purement néolibéral qui est mis en place depuis maintenant six mois dans le pays.
Le gouvernement, de manière un peu ridicule il faut dire, se défend en arguant que la baisse des cotisations sociales constitue un gain de pouvoir d’achat pour les travailleurs. Il va sans dire que cette affirmation est doublement ridicule d’une part parce que le gain de pouvoir d’achat ne se mesure pas à l’augmentation du salaire mais en comparant ladite augmentation avec l’augmentation du coût de la vie. Surtout, cette baisse des cotisations aboutira tôt ou tard à une baisse de la qualité des services publics dont pâtiront les plus dominés de la société. A ce tableau déjà bien sombre, il faut ajouter que les retraités et les fonctionnaires ne verront rien de cette soi-disant augmentation du pouvoir d’achat. Au contraire, ceux-ci connaissent déjà une baisse de pouvoir d’achat puisque la CSG a augmenté pour eux comme pour tout le monde mais que, ne payant pas de cotisations sociales, ils n’ont pas, par définition, profité de leur baisse. Le gouvernement avait promis des mesures de compensation mais il n’en est toujours rien. Il y a une forme de violence absolument scandaleuse à l’égard des fonctionnaires, d’autant plus quand le gouvernement annonce que la baisse des cotisations sociales récompensera le travail. Faut-il dès lors comprendre que, en l’absence de mesures compensatoires pour les fonctionnaires, ceux-ci ne fournissent pas un vrai travail ? L’obscénité du propos est manifeste.
Le visage du cynisme (...)
la majorité présidentielle met selon moi en place une stratégie savamment pensée et théorisée, celle de dégoûter les fonctionnaires de leur poste. Nous avions l’habitude de voir cette logique être mise en place pour monter la population contre les fonctionnaires. Quand Le Point ou L’Express titrent à longueur de temps sur les agents de l’Etat qui ne « travailleraient pas » ou qui seraient « les assistés de la société », il y a une véritable campagne de calomnie qui se met en place.
Quel est le but de ces campagnes sinon d’imposer l’idée selon laquelle les services publics sont des gouffres financiers qu’il faut prestement remplacer par le privé ? (...)
L’idéologie qui se veut neutre
Outre ce plan de départs volontaires, l’exécutif entend rémunérer les fonctionnaires au mérite et recourir de plus en plus aux contractuels. (...)
C’est le triomphe du New Public Management, cette école de pensée qui affirme que la sphère publique doit être régie comme l’est la sphère privée et promeut les outils d’évaluation « neutres », oubliant ou feignant d’oublier qu’aucun outil n’est axiologiquement neutre, que dans sa construction même il y a de l’idéologie.
C’est tout le discours de l’efficacité, du pragmatisme et de toutes les fadaises de la modernité qui se retrouve dans cette vision de la fonction publique. (...)
Derrière les oripeaux de la modernité, de l’efficacité et de l’absence d’idéologie se cachent en réalité le cynisme le plus crasse et la plus idéologique des idéologies, celle des puissants, des possédants, des dominants qui, eux, n’ont que faire des services publics de base – quand bien même ils utilisent tous les jours les routes financées par l’impôt – et passent leur temps en cliniques privées ou scolarisent leurs enfants loin de l’école publique. Cette caste, il n’y a pas d’autre mot, qui refuse bien souvent de payer ses impôts dans le pays, préférant au choix la fraude ou l’optimisation fiscales, est odieuse et sans aucun scrupule. Dans Le Mythe de Sisyphe, Camus écrit qu’il « arrive que les décors s’écroulent ». Mes amis, il est grand temps d’écrouler leurs décors et de réaffirmer notre attachement à la fonction publique. Face à leur idéal, il est urgent d’opposer un autre horizon, une autre vision du monde. Sans cela, nous serons définitivement perdus.