
En cette période de crise du capitalisme financier, et de ses conséquences sur la situation économique, voici un texte d’analyse et de perspectives proposé par Jacques Muller, membre du MAN, professeur d’économie et ancien Sénateur.
Rappel de quelques mécanismes économiques de base
L’augmentation de la dette des Etats : au-delà des discours ambiants (...)
Bref, néolibéralisme oblige, nous avons vécu jusqu’à la fin de la décennie précédente trente années de revanche historique du capital contre le travail, de grand retour au 19ième siècle, de déchaînement de la violence structurelle de l’économie capitaliste toujours plus abandonnée à ses mécanismes primitifs qui détruisent l’Humain… et l’environnement !
Aujourd’hui, nous sommes potentiellement à la veille du pire
Le financement de l’économie mondiale est désormais complètement intégré, à l’échelle mondiale (...)
Nombre d’Etats européens y compris le nôtre ont contracté des dettes rigoureusement non remboursables auprès des acteurs privés. Le système tenait dans une sorte de fuite en avant qui arrangeait tous les acteurs. Faute d’intervention aussi énergique que rapide de la part des Etats de l’UE, la faillite de la Grèce va entraîner par ricochet celle des banques qui y étaient engagées… et par effet domino le reste de l’économie : tous les acteurs sont totalement interdépendants.
Le retour du politique s’impose pour espérer dompter l’économie néolibérale totalement déchaînée, au minimum à l’échelle européenne
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Nous sommes confrontés à un double défi : trouver le bon rythme de réduction des déficits pour ne pas tuer l’activité économique et faire exploser le chômage, et investir dans la conversion de l’économie par l’écologie, le seule capable à terme de créer de la richesse et de mieux répartir la richesse (les inégalités n’ont jamais autant explosé depuis les années 30 !), de préserver la planète, de relocaliser les activités économiques, et d’améliorer le bien être des personnes. Le chiffon rouge du refus de « l’austérité » brandi par la gauche productiviste est dangereux : il laisse croire qu’il suffit de ne pas trop ralentir la machine économique…
L’analyse de la situation avec la grille de lecture spécifique à la non-violence politique permet d’apporter un éclairage spécifique (...)
De la même manière que l’Etat a historiquement confisqué la violence des uns contre les autres (« tu ne tueras pas ») en assumant la fonction régalienne de police (ce qui ne l’a jamais empêché d’en abuser…), il a exercé avec la même exclusivité monopolistique le pouvoir monétaire (les faux monnayeurs étaient passibles de la même peine que les assassins…). L’Etat a ainsi contenu la violence des individus, à tous les sens du terme, mais aussi celle de la monnaie. L’abandon du pouvoir monétaire est entrain de faire exploser la violence de cette dernière : sous des formes sophistiquées (fonds de pension, marchés à termes, agences de notations, etc.) les forces aveugles de l’argent dirigent désormais nos sociétés… jusqu’à quand ?
La violence intrinsèque, structurelle, du capitalisme fondé sur l’exploitation de la force de travail des salariés (et de l’écosystème) explose en plein jour : contenue durant les trente glorieuses par les politiques sociale-démocrates, elle resurgit sous une forme d’autant plus inquiétante que le système économique est mondialisé, donc ingérable au regard des structures politiques existantes : sur le plan de la régulation (domestication ?) de l’économie, les Etats dévoilent leur impuissance .
Nous militants non-violents sommes invités à recréer du Politique, investir dans le champ politique sous toutes ses formes, réseaux sociaux mais aussi structures politiques plus classiques (syndicats et partis) pour respectivement faire émerger la société demain (« cf. le programme constructif » cher à Gandhi) et investir le champ du décisionnel (oser prendre et gérer le pouvoir, avec l’humilité d’accepter « la beauté du compromis, cf. Gandhi ! »)
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une crise n’est pas la fin, mais le moment historique pour faire du neuf, bâtir une société désirable, soutenable à tous les sens du terme… ce qui implique un devoir de solidarité immédiate avec les victimes programmées de la mutation qu’il va falloir réaliser (...)