
« Vous êtes venue pour Frédéric Lordon vous aussi ? » me demande ma voisine. Nous sommes plus de 400 à attendre, en ce samedi 7 mai, pour avoir le privilège d’écouter la première lecture de la pièce de Frédéric Lordon « D’un retournement l’autre » (Editions du Seuil). Il faut dire que le programme concocté par le festival de « Paris en toutes lettres » est alléchant : Denis Podalydès dans la peau de Nicolas Sarkozy et Jacques Bonnaffé dans celle du vilain banquier. Lorsqu’enfin, le public s’installe, l’ambiance est fébrile… Car l’entreprise est inédite : Frédéric Lordon, brillant économiste et parfait orateur, a pris la plume pour écrire une pièce en alexandrins sur la crise financière. Mais quelle mouche l’a donc piqué ?
ce qui a le plus choqué Frédéric Lordon, c’est l’impossibilité de critiquer le système libéral, surtout dans les médias. Il appelle ce phénomène « l’immunité du système à toute infirmation du réel ». Il lui fallait emprunter une autre voie que celle du discours et il a choisi celle du corps : le théâtre. Pour toucher chacun d’entre nous et expliquer, dans une comédie tragique, les enjeux de notre crise. (...)
Alors, il démonte tout. Il part de la crise des subprimes et de l’incrédulité des banquiers pour démontrer les origines du déficit public actuel et ses conséquences sur nous, pauvres citoyens. On pourrait croire une telle démonstration fastidieuse mais non : d’un bout à l’autre de la pièce on rit… jaune. Car bien sûr, c’est de l’absurdité de notre modèle économique qu’il s’agit (...)
« La société est très calme et les corps sociaux sont très dociles » constate-t-il avec regret. Car enfin, se demande l’économiste, quand est-ce que la farce qu’il a écrite prendra fin ?
En attendant, la pièce poursuit son chemin. Une compagnie est actuellement en train de monter le spectacle. Et son auteur, signataire des économistes atterrés, espère que l’initiative fera des émules : « Il faut que les artistes s’emparent du thème de la crise financière.
L’analyse n’est pas suffisante » martèle-t-il.
Alors, peut-être qu’un jour les conditions seront réunies pour que la dernière phrase de la pièce ne reste pas un vœu pieu : « D’un retournement l’autre, l’histoire a ses relèves. / Fuyez quand il est temps, le goudron se soulève ». (...)
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