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La conquête. Comment les Français ont pris possession de l’Algérie
#colonisation #Algérie
Article mis en ligne le 7 août 2023
dernière modification le 6 août 2023

En revenant sur les débuts de la colonisation algérienne, Colette Zytnicki nous permet de comprendre comment la France, pourtant mal préparée, a pris pied dans ce territoire complexe.

Il y a plus d’un an, Benjamin Stora publiait un rapport consacré à la colonisation et à la guerre d’Algérie. Les polémiques l’entourant ont montré que les relations entre la France et l’Algérie sont encore imprégnées par le passé colonial. À travers cet ouvrage, Colette Zytnicki, professeure émérite à l’Université de Toulouse et spécialiste de l’Algérie coloniale, propose de revenir à la genèse de cette histoire pour mieux comprendre comment, dès la conquête, les relations entre les deux pays sont marquées par l’incompréhension et la violence.

Une conquête imparfaite

En juillet 1830, les Français débarquent à Alger, chef-lieu de la Régence, alors sous domination ottomane. Dix-huit ans plus tard, l’Algérie est colonisée et divisée en trois départements français. Toutefois, prévient l’autrice, « il ne faut voir dans cette conquête aucun plan préétabli ». Pour expliquer ces contradictions, les sources utilisées sont multiples : rapports officiels, correspondances publiques et privées, récits et témoignages, mais aussi une bibliographie riche qui ne se limite pas à l’historiographie française.

L’autrice montre ainsi que si les projets de conquête de l’autre rive de la Méditerranée remontent à plusieurs décennies, les tensions croissantes entre France et Régence, au sujet notamment du paiement d’arriérés financiers et de la piraterie, rendent l’invasion latente (...)

Trois ans plus tard, les troupes françaises arrivent à Alger.

Les Français trouvent alors une organisation mise en place par les Ottomans dès le XVIe siècle qui voit un pouvoir central représenté à Alger par le Dey, soutenu dans les provinces par trois Beys, siégeant à Constantine, Médéa et Oran. S’y superpose un système complexe de cantons, de tribus, de villes moyennes plus ou moins intégrées et d’un pouvoir religieux omniprésent. (...)

« L’expédition de juillet 1830 fut-elle préparée ? » s’interroge tout au long du livre l’autrice : officiellement, la mission est double, « mettre fin à la piraterie et venger les affronts ». Mais, dès le départ, « l’idée coloniale est un horizon possible » tant l’objectif est annoncé : « civiliser et mettre en valeur ». L’expédition de 1830 se prépare dans un contexte complexe et, très rapidement, les Français se rendent maîtres d’Alger ; le Dey impose la capitulation le 5 juillet. Dans le reste du pays, la conquête, mal préparée, peine à avancer : l’administration est en désordre, pouvoirs militaires et civils n’arrivent pas à s’entendre, la résistance se met en place dans tout le pays. La région côtière est la première à être soumise : Constantine est prise en 1837, avec le ralliement des élites locales.

Après des années de guerre, cette reddition marque « un tournant dans l’histoire de la conquête de l’Algérie par les Français. Elle accentue la désorganisation politique et ne clôt pas la résistance ». (...)

Avec la départementalisation de 1848, chaque commune dispose désormais d’une mairie et la vie politique se calque sur le modèle républicain de la métropole. Dans le monde rural, les territoires agricoles sont occupés et proposés à des colons français. De fait, les populations sont déplacées, déstructurant les logiques démographiques, sociales et économiques existantes, nourrissant ensuite la résistance à l’occupant. (...)

La colonisation entraîne donc une mise à l’écart des populations locales et donne naissance à de nombreux ressentiments : entre ces populations, aucune conciliation ne semble possible, expliquant alors comment cette colonisation, imposée d’en haut, préfigure les rancœurs entre les deux nations. L’autrice le souligne ainsi : « la volonté de résistance se fait jour dès le premier moment de la conquête ». (...)

Du côté algérien, le choc et la violence de la conquête, puis l’imposition de nouvelles structures politiques ségrégatives (ajoutées au « choc des transformations urbanistiques ») entraînent la fuite d’une partie de la population d’Alger réfugiée dans les campagnes. (...)

Jamais, au cours de cette période, les populations locales ne sont intégrées au projet colonial, les « indigènes musulmans » sont exclus des écoles et des administrations. Ailleurs, le mouvement d’appropriation foncière pèse lourd dans les relations : « les bases de la société rurale algérienne sont lourdement ébranlées ». (...)

Côté Français, c’est une grande déception pour les colons : une « expérience doublement terrible car elle repose sur des terres prises aux habitants et que les nouveaux occupants, logés dans des camps de toile ou des baraques en bois, dénués de tout, y meurent en masse et partent dès qu’ils le peuvent ». Les nouveaux venus, fuyant souvent la misère en métropole, se trouvent plongés dans l’inconnu et peinent à s’intégrer et à faire fructifier les terres mises à leur disposition.

En métropole aussi, l’écho de la conquête retentit fortement : les défaites sont lourdement jugées à Paris et les exactions choquent l’opinion publique. Ainsi, à la chambre, les débats sont nombreux sur la question algérienne. À l’inverse, le pouvoir orléaniste met en scène la colonisation en faisant appel à des artistes œuvrant à la glorification militaire française pour nourrir l’imaginaire colonial et la curiosité. (...)