
Ce roman marque un tournant dans la carrière du Britannique Christopher Priest, aujourd’hui septuagénaire. Celui qui, dans ses jeunes années, dévorait les livres de James G. Ballard — L’Île de béton, Le Rêveur illimité, Crash ! — s’est lui aussi fait connaître comme un des grands modernisateurs de la science-fiction, en particulier avec Le Monde inverti, Futur intérieur, ou encore Le Prestige et eXistenZ, adaptés au cinéma respectivement par Christopher Nolan en 2006 et par David Cronenberg en 1999. Aujourd’hui, il semble délaisser la science-fiction — encore que le récit se déroule dans un futur proche, où l’Écosse appartient à l’Union européenne alors que l’Angleterre en est sortie —, mais il continue d’interroger ce qui est présenté comme la réalité
Ben Matson, un journaliste scientifique britannique, a perdu sa bien-aimée, Lilian Viklund, dans le crash d’un des avions détournés le 11 septembre 2001. Elle a disparu. Mais le nom de la jeune femme reste étrangement absent des listes des passagers des compagnies aériennes ce jour-là. Ben va rester obsédé par sa perte et par cette énigme, et enquêter des années durant pour savoir ce qu’il s’est réellement passé, alors même qu’il a refait sa vie. Ce deuil impossible de victimes dont le corps n’a jamais été retrouvé conduit les proches à exiger des réponses claires du gouvernement. Mais le récit officiel laisse échapper une part de vérité et apparaît constellé d’incohérences.
Ben cherche cette vérité. (...)
Quand Ben rencontre le mathématicien Kyril Tatarov, il est de plus en plus troublé. Tatarov avance une hypothèse perturbante : même si un événement est présenté de manière trompeuse, il en découlera d’autres événements, qui seront, eux, bien réels. En d’autres termes : les mensonges ont des conséquences. Des années plus tard, Tatarov meurt dans un accident d’avion... Alors, complot ?
« Ce semblait être trahir les victimes, trahir la nation, que de soulever des interrogations quant à ce que tout le monde pensait avoir vu à la télévision. » Le sujet demeure brûlant, et Priest considère que c’est « cette volonté du gouvernement Bush de cacher le dysfonctionnement ou l’amateurisme de ses équipes [qui] a amplifié les théories complotistes (1) ». Mais, à mesure que se présentent les pièces du puzzle, il apparaît que ce que l’enquête va mettre au jour, c’est moins une élucidation ultime qu’une théorie du doute. (...)