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La bataille du corail
La 6e extinction. Comment l’homme détruit la vie, Elizabeth Kolbert, éd. La Librairie Vuibert. 364 p., 21,90 €, sortie le 4 septembre. Océans. La grande alarme, Callum Roberts, éd. Flammarion, 491 p., 24 €. Mondes marins, collectif du CNRS, éd. Le Cherche Midi, 184 p., 24,90 €.
Article mis en ligne le 13 août 2015
dernière modification le 10 août 2015

Réchauffement des océans, acidité : en trente ans, la moitié des récifs coralliens a disparu, emportant avec eux des centaines de milliers d’espèces.

“Les récifs coralliens, soit pas même 0,1 % de la surface des océans, abritent près de 30 % de la diversité marine.”

La Sixième Extinction, un saisissant livre-enquête paru l’an dernier aux Etats-Unis — le mois prochain en France —, défendu par Al Gore en une du New York Times, et prix Pulitzer 2015. Elizabeth Kolbert a arpenté la planète pendant six ans à la rencontre de grands scientifiques sur leur lieu de travail. A la lecture, l’émerveillement côtoie la désolation… A l’image de l’Australien J.E.N. « Charlie » Veron, star de l’océanographie, constatant que l’extraordinaire monde sous-marin au milieu duquel il a vécu ne sera plus là « pour que les enfants de nos enfants puissent en être éblouis ».
Acidité

L’histoire commence à être bien connue : de 1800 à aujourd’hui, en brûlant charbon et pétrole séquestrés dans les couches géologiques depuis des dizaines de millions d’années, l’homme a ajouté 365 milliards de tonnes de carbone à l’atmosphère. Exercice de chimie inédit… puisque le laboratoire est la Terre ! Jamais la concentration de gaz carbonique dans l’air n’a été aussi élevée depuis 800 000 ans. Et la température moyenne du globe monte à un rythme sans précédent. On parle souvent des conséquences sur la terre ferme, « mais ces événements ne représentent que la moitié de l’histoire en train de s’écrire », constate Elizabeth Kolbert. Car la vastitude des océans (71 % de la surface de la Terre, 3800 mètres de profondeur moyenne) se double d’une capacité peu souvent mise en avant : l’absorption du tiers des émissions humaines de gaz carbonique, un gaz qui a le bon goût de se dissoudre dans l’eau pour produire de l’acide. Dans un premier temps, « Homo carbonus » s’en est réjoui : continuons de brûler des carburants fossiles puisqu’ils retournent à la mer ! Avant de s’interroger sur les conséquences de cette absorption (...)

« Je me demande ce que j’aurais pensé à l’époque si, de retour sur le rivage, nous avions été accueillis par quelque Cassandre prophétisant que dans cent ans ce magnifique récif ne serait plus que ruines, ses escarpements coralliens aux vives couleurs remplacés par un duvet d’algues vertes, et les bancs de poissons par des essaims de méduses et de plancton gélatineux. Je l’aurais sans doute pris pour un fou. » Et pourtant, ajoute-t-il, un quart des coraux de la planète sont déjà morts et, dans l’océan Indien, « entre 70 et 90 %, entraînant dans leur sillage d’innombrables créatures marines pour lesquelles ils faisaient office d’espace vital ou de nourriture ». Pourquoi sont-ils morts ?

Elle s’appelle zooxanthelle. Les couleurs, c’est elle. Le miracle de la vie dans les mers tropicales, c’est elle. Zooxanthelle est une algue unicellulaire qui donne leurs couleurs aux coraux. Et pas seulement : « Comment le récif corallien naît-il dans ces eaux tropicales limpides qui comportent très peu de phytoplancton, d’éléments nutritifs ? En réalisant une symbiose triomphale de l’animal et du végétal. » (...)

Réchauffement

Le problème du corail, c’est que cet animal n’aime pas le stress, en d’autres termes qu’on modifie son milieu. Plongez-le dans l’eau froide, ou l’eau douce, il expulse ses zooxanthelles, se suicide donc, puisqu’il blanchit et finit par mourir si le stress perdure. Eau trop chaude, idem. Pourquoi ? « On ne sait pas ! C’est étonnant. (...)

On peut tout imaginer. Sélectionner des coraux résistants. Limiter les facteurs locaux de stress — surpêche, tourisme, pollution… Augmenter le nombre et la surface des parcs marins. « Mais les facteurs globaux, réchauffement et acidité, ne peuvent être réglés par ces mesures locales. Même dans un parc aussi bien géré que la Grande Barrière de corail, les coraux sont en déclin constant depuis trente ans. Nous n’avons pas d’autre choix que de diminuer les émissions de CO2. Les négociations de la COP 21 (conférence sur le climat, fin novembre à Paris, NDLR) sont un peu celles de la dernière chance. » (...)