Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
La France et le génocide des Tutsis : des « responsabilités lourdes et accablantes »
Article mis en ligne le 28 mars 2021
dernière modification le 27 mars 2021

« Des responsabilités accablantes » mais pas de « complicité » au sens juridique : telle est la conclusion du rapport de la commission présidée par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France face au génocide des Tutsis du Rwanda. Quelles suites politiques Emmanuel Macron donnera-t-il à ce constat ?

Un quart de siècle après l’entreprise de destruction des Tutsis du Rwanda, qui a fait entre 800 000 et un million de morts en 1994, un rapport officiel, remis vendredi 26 mars à Emmanuel Macron, pointe pour la première fois les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France face au dernier génocide du XXe siècle, mais pas de « complicité » au sens juridique du terme.

Pour la commission présidée par l’historien Vincent Duclert [voir sa composition complète sous l’onglet Prolonger], qui a été saisie en 2019 par le président de la République, il en va aujourd’hui de « l’identité démocratique » de la France de regarder en face son histoire rwandaise, « triste et tragique », pour la transformer en savoir commun. « Affronter le passé en acceptant les faits de vérité […] est la seule voie pour se libérer des traumatismes et des blessures », souligne la commission. (...)

Il revient désormais au chef de l’État, qui pourrait se rendre au Rwanda en mai prochain, de donner des suites politiques – ou non – aux conclusions de la commission Duclert, qui ne manqueront pas de susciter des débats au sein des communautés académiques, militaires, politiques, diplomatiques et militantes.

Son rapport de 1225 pages (annexes comprises), sobrement titré La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) et qui sera publié aux éditions Armand Colin, relève d’une entreprise historiographique d’ampleur grâce à un accès inédit de la commission aux archives officielles sur la politique de l’État français au Rwanda.

Dans ses conclusions, le rapport Duclert écrit que « la crise rwandaise s’achève en désastre pour le Rwanda, en défaite pour la France ». « La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsi ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer », écrit de prime abord la commission.

Mais l’absolution de « complicité » laisse vite la place à un réquisitoire en « responsabilités », qualifiées de « lourdes et accablantes ». « La France s’est néanmoins longuement investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation d’un génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime […]. Au moment du génocide, elle a tardé à rompre avec le gouvernement intérimaire qui le réalisait et a continué à placer la menace du FPR [la force politique et armée tutsie – ndlr] au sommet de ses préoccupations. Elle a réagi tardivement avec l’opération Turquoise qui a permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dans les premières semaines du génocide », écrit la commission.

Les responsabilités pointées par la commission Duclert sont de trois ordres : politique, institutionnelle (civile et militaire) et intellectuelle, « qui, cumulées, font système et témoignent d’une défaite de la pensée ».

Sur le terrain du politique, le rapport met en cause l’« aveuglement continu » des autorités françaises dans « leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent, pourtant conçu comme un laboratoire d’une nouvelle politique française en Afrique ». (...)